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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Adrienne de Fontsalte, permets-moi de te dire que la camarde a été loyale. Elle a pris les traits de Thémis. Or, quand on espionne, on peut s’attendre à être, un jour, pris, jugé et exécuté comme espion. D’ailleurs, la lettre que tu m’as montrée ne contient aucune récrimination ! Ni révolte ni sentiment d’injustice. Ta demi-sœur à l’œil vairon connaissait les risques liés à son activité. Elle a accepté son sort. Alors, je t’en prie, accepte aussi et souviens-toi de la phrase de Goethe : « Qui ne peut supporter le désespoir ne doit pas vivre. »
     
    – C’est-à-dire ? dit encore Axel.
     
    – Prendre les jours comme ils viennent, avec leur cortège, que suivent, bras dessus bras dessous, bonheurs et épreuves, ou chercher l’absence absolue de douleur dans la mort. Telle est l’alternative shakespearienne ! Que choisis-tu ?
     
    – Votre question est oiseuse. Je ne vais pas renoncer à la vie, bien sûr. Je saurai supporter le désespoir, dit Axel.
     
    – Très bien. Alors, souffre, mon garçon. Cependant, laisse-moi te dire une chose qui, maintenant, va te sembler cruelle, mais que tu trouveras juste dans quelques mois. Avec cette demi-sœur captivante, mais tout de même un peu perverse, tu ne fus jamais, à cause de ta conscience de chrétien, parfaitement à l’aise et heureux. N’est-ce pas ? Eh bien, même si tu crois que la mort incruste à jamais son souvenir au plus profond de toi, admets aussi qu’elle te délivre.
     
    – Je ne veux pas oublier ! dit Axel, révolté.
     
    – Qui parle d’oubli ? Non, Axel. Porte ton passé, votre passé, car tu as aussi charge du sien puisqu’elle t’a aimé et qu’elle n’est plus. Mais porte ce souvenir comme un précieux bagage, et marche !
     
    Sur le chemin du retour vers Rive-Reine, Axel, bien qu’intellectuellement convaincu par Chantenoz que l’humaine condition, une fois acceptée, doit être vécue telle quelle, prit le lac à témoin de sa peine en criant à pleine voix et sous toutes ses formes, au rythme du trot de Ténèbre, le prénom de la morte : Adry, Adriana, Adrienne ! Puis il rentra pleurer tout son soûl.
     

    Deux semaines après la visite de Lazlo, les Fontsalte firent savoir qu’ils étaient revenus à Lausanne. Axel se rendit aussitôt à Beauregard, pour accomplir auprès de Blaise la démarche à laquelle il s’était préparé. Il se dispensa toutefois de lui montrer l’ultime message d’Adrienne. Le général reçut le coup sans broncher, quitta son fauteuil et, mains au dos, scruta le lac un moment en silence. Puis, sans émotion apparente, il revint près d’Axel.
     
    – Adriana était un soldat perdu sans patrie. Mais ne suis-je pas en partie responsable de cette errance, qui l’a conduite à ne trouver de famille que chez les Tsiganes ? N’aurais-je pas dû m’imposer, au lieu de me dérober ? Le combat qu’elle a conduit, à sa manière un peu folle, pour ce qu’elle croyait être la liberté, ne fut peut-être qu’une justification atavique. Il doit lui valoir, en tout cas, l’absolution de ses fautes, même de ses péchés. Sa mort, Axel, n’a rien de déshonorant. Je vais, si je puis, faire rapatrier son corps en France, afin de l’inhumer dans le caveau des Fontsalte. C’est notre sang, c’est notre nom, c’est donc sa place, dit-il simplement.
     
    Axel apprécia cette noble attitude et tendit à Blaise la bague qu’Adrienne destinait à son père.
     
    Le général eut un mouvement de surprise, puis prit le bijou et l’examina avec attention. Axel se tut, curieux de voir si Fontsalte reconnaîtrait, sous la couche d’or fin, le bouton d’uniforme serti dans le chaton. Il vit soudain se contracter les maxillaires de Blaise, signe, chez cet homme maître de ses émotions, d’un certain trouble.
     
    – Mais c’est un bouton ! Le bouton de mon dolman de garde des consuls. Adrienne me l’avait arraché lors de la seule visite que je lui aie jamais rendue chez sa nourrice. Ce devait être au cours de l’été 1800. Elle devait avoir trois ans. Et elle l’avait conservé, fait dorer et monter en bague… Une bague… avec un bouton !
     
    – Elle le considérait comme un talisman, précisa Axel.
     
    – Pauvre talisman, en vérité ! Il ne l’a pas protégée des Anglais ! dit Blaise.
     
    Puis, après un silence, il reprit :
     
    » Je découvre trop tard, Axel, que ma fille voilait ses sentiments d’une pudeur

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