Rive-Reine
ainsi pour calmer les angoisses de leur mère, car Louis Napoléon, qui vient d’avoir vingt-trois ans, ne pense qu’à se mettre en valeur aux yeux des Français. C’est alors que les deux frères étaient en route pour rejoindre la reine Hortense que Napoléon Louis succomba, à Forli, à une fièvre maligne dont notre ami Vuippens l’eût peut-être guéri ! acheva Ribeyre.
– J’ai entendu dire que Louis Napoléon a obtenu du gouvernement de Berne l’autorisation de suivre les manœuvres de l’artillerie suisse, au camp de Thoune, sous la direction du colonel Dufour, notre grand ingénieur genevois. Est-ce exact ? demanda Charlotte, qui venait de s’asseoir près de Flora.
– C’est exact et, d’après ce que j’ai appris à Paris, Louis-Philippe ne voit pas cette formation militaire, offerte par les Suisses au neveu de Napoléon, d’un bon œil, répondit Ribeyre.
– Quel danger représente un artilleur sans canon ? observa Vuippens.
– Ce que nous nommons dans les états-majors un danger potentiel, docteur. D’autant plus qu’un bruit, venu de Rome, court les chancelleries. On dit que Louis Napoléon voudrait enlever le duc de Reichstadt pour le conduire, le moment venu à Paris, afin de remplacer le vaniteux coq gaulois qui couve la Charte par la glorieuse aigle impériale, révéla Ribeyre avec le sourire du sceptique.
– Et si le petit Reichstadt ne peut aller jusqu’au bout, puisqu’on le dit malade ? risqua Flora, pour qui l’Aiglon était le seul Bonaparte digne de pitié.
– Eh bien ! on peut imaginer que le neveu palliera la défaillance du fils. J’ai le sentiment, mes amis, que notre prince artilleur thurgovien a l’intention de faire parler de lui, conclut Blaise en levant la séance.
La nuit étant avancée, on appelait les danseurs pour le dernier picoulet.
1 M lle de Fontsalte avait choisi d’ajouter au nom de la Vierge, commun à beaucoup de religieuses, le nom d’un saint homme, ami de son père, dom Jérôme, dernier prieur des Camaldules, de l’ordre de Saint-Romuald, qui avait été guillotiné à Feurs, en 1793, à l’âge de quatre-vingt-sept ans.
2 Brame-la-faim.
3 André Lasserre, Henri Druey, fondateur du radicalisme vaudois et homme d’État suisse (1799-1855) , Bibliothèque historique vaudoise, tome XXIV, Imprimerie centrale Lausanne S.A., 1960.
4 Ibid .
5 Les autorités faisaient une distinction entre instruction et éducation. Dans les Conseils de l’éducation publique, les pédagogues étaient assistés par des pasteurs « responsables du développement religieux et moral, auquel on attache une grande importance ». Micha Grin, Histoire imagée de l’école vaudoise , Éditions Cabédita, Yens-Morges, 1990.
6 Charles Archinard, pasteur, Histoire de l’instruction publique dans le canton de Vaud , Lausanne, 1870.
7 Le fameux pédagogue suisse figure au nombre des dix-huit personnalités étrangères que l’Assemblée nationale française avait distinguées, le 26 août 1792, en conférant « à ceux qui, par leurs écrits et leur courage, ont servi la cause de la liberté » la qualité de citoyen français.
8 L’édition originale de cet ouvrage a été publiée en 1801, sous le titre Wie Gertrud ihre Kinder lehrt , chez Heinrich Gesnner, Berne et Zurich. La première édition française date de 1884, sous le titre Comment Gertrude élève ses enfants , traduction par le docteur Eugène Darin, Librairie Ch. Delagrave, Paris, 1884.
9 Le bas peuple, qui se pressait à Newgate pour assister aux exécutions publiques, usait de cette expression qui signifie : partie, ou séance, de pendaison.
5.
Lors du dîner du 1 er janvier 1832, servi comme chaque année à Beauregard, chez les Fontsalte, Axel trouva, sous sa serviette, une enveloppe cachetée. Les cadeaux traditionnels ayant été échangés dans le salon, ce message dissimulé intrigua le Vaudois. Tandis qu’il ouvrait discrètement l’enveloppe, Charlotte, qui l’observait, se barra les lèvres de l’index, l’invitant ainsi à ne pas donner de publicité à ce qu’il allait découvrir. Seul un haussement subit des sourcils, un sourire, puis un bref, mais intense, regard adressé à sa mère traduisirent l’heureuse surprise d’Axel. Il s’agissait d’un billet à ordre de 75 000 francs de Suisse, accompagné d’une carte de M me de Fontsalte. « Voici, mon cher enfant,
Weitere Kostenlose Bücher