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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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enfants.
     
    Le lendemain, à la cathédrale Saint-Pierre, le culte rassembla, autour des Laviron, toute la banque genevoise, des personnalités politiques et bon nombre de ces artistes et intellectuels que le frère et la sœur avaient fréquentés.
     
    Au moment de la séparation, après l’inhumation au cimetière de Plainpalais, Axel Métaz et Louis Vuippens, qui n’avait pas quitté son ami, prirent congé des Laviron.
     
    M me  Laviron serra les mains d’Axel dans les siennes.
     
    – Faites-nous l’amitié, quand vous viendrez à Genève, de ne plus descendre à l’hôtel. La maison est si grande, maintenant, vous y aurez votre chambre. Venez souvent, oui, venez sou vent nous voir. Nous parlerons d’elle, dit la mère de Juliane en retenant ses larmes.
     
    Axel, ému, promit et, pour la première fois, se laissa embrasser maternellement par cette femme, dont le regard contenait celui de l’amie disparue.
     

    Louis Vuippens regagna Vevey par la diligence cantonale, qui, depuis l’élargissement de la route pourvue d’une chaussée macadamisée, faisait le trajet en six heures et demie. Axel rejoignit Chantenoz dans le petit logement de la rue des Belles-Filles que le professeur conservait comme pied-à-terre. Présent à Genève, Martin avait appris le double décès qui frappait les Laviron. Axel avait apprécié qu’il eût assisté aux funérailles d’Anicet et de Juliane.
     
    – Quelle douloureuse série d’épreuves pour toi ! dit Martin, quand Axel lui eut raconté ce qu’il avait vécu à Paris.
     
    – Mes relations avec Juliane ne peuvent être comparées à celles longtemps entretenues avec Adrienne, mais Juliane était plus proche de moi que ma demi-sœur. Nos goûts s’accordaient, nos pensées étaient complices. C’était mon amie, au sens le plus fort et le plus pur du terme. Être amants, ce qui n’était pas envisageable en raison de son éducation et de ses principes, n’eût rien ajouté à la qualité de notre relation. Elle souhaitait, certes, m’avoir pour époux. Je sais tous les beaux partis qu’elle a refusés, sans autre raison que d’attendre que « le Vaudois » – comme elle m’appelait – se déclarât. Depuis qu’elle est morte, je me dis que j’aurais dû l’épouser. Car, ce fatal voyage à Paris, c’est par dépit qu’elle l’a entrepris. Je me sens coupable, Martin. D’autant plus coupable que j’aurais pu l’aimer, comme une épouse…
     
    Chantenoz se garda de tenter une consolation philosophique. Il connaissait assez Axel pour savoir que son élève n’avait jamais été réellement amoureux de Juliane. Mais elle était l’une des deux femmes qui avaient occupé, peu ou prou, la vie de ce garçon qu’il avait formé. En moins d’une année, toutes deux venaient de disparaître, le laissant meurtri et révolté.
     
    – Contrairement à ce que croient les gens simples, les souvenirs ne comblent pas le vide créé par la disparition d’un être cher. Ils le creusent, car chaque réminiscence d’un passé commun rend plus évidente l’absence de l’autre, dit seulement le professeur, pour marquer sa compréhension.
     
    Voyant Axel exténué de corps et le cœur endolori, il se contenta de le conduire à la taverne des pêcheurs où l’on servait les meilleurs filets de perchettes de Genève. Après le repas, sous un ciel mauve, dans l’air tiède qui annonçait déjà l’été, ils flânèrent en fumant leur pipe, observant l’avancement des travaux du quai des Bergues, sur lequel on creusait les fondations du futur palace qui ferait, disait-on, la gloire de l’hôtellerie genevoise. Les piles du pont destiné à relier bientôt le quai des Bergues, sur la rive droite, et le Grand Quai de la rive gauche à l’île aux Barques émergeaient déjà des eaux du Rhône.
     
    – Dans quelques années, on ne reconnaîtra plus Genève. Pour peu que nos édiles fassent détruire les fortifications comme ils ont fait abattre les dômes, ce que certains demandent, la cité de Calvin deviendra une ville sans caractère, se plaignit Chantenoz.
     
    – Tout passe, Martin, les êtres et les villes. Il faut se faire une raison, philosophe ! J’ai entendu dire à Paris : « Il faut vivre avec son temps », dit Axel.
     
    – Le temps, mon garçon, n’attend pas ! On dit que l’an prochain vous voulez organiser, à Vevey, la deuxième fête des Vignerons du siècle. Il s’en est passé, des choses, depuis celle de

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