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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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lui parut traduire bonne éducation et franchise. Elle ôta son chapeau de paille, légère capeline de citadine, bien différente du traditionnel chapeau à borne – vague réminiscence de la coiffure à tholia que portaient les femmes de Tanagra – que les Veveysannes se faisaient un devoir d’arborer pour le ressat des vendanges. Ce geste eut pour effet de libérer une abondante chevelure brune, qui croula sur les épaules de la jeune fille.
     
    – Mon chignon n’a pas résisté à votre farandole. Me voilà décoiffée, dit-elle, sans paraître y attacher une réelle importance.
     
    Axel dit qu’elle était très bien ainsi et qu’un bon picoulet se soldait par autant de talons cassés que de chignons effondrés. Ils bavardèrent assez longtemps pour que M. Métaz apprît que le pasteur Henri Delariaz était veuf depuis dix ans et qu’en dehors de ses fonctions de diacre il enseignait la théologie à titre privé et recevait des étudiants étrangers, venus chercher au pays de Calvin l’histoire de la pure doctrine. Élise Delariaz, orpheline instruite et délurée, avait suivi son père à Berlin, Londres, Rome, Paris, quand cet érudit, héritier d’une famille aisée, perfectionnait ses connaissances en langues étrangères et textes sacrés.
     
    – En fait, j’ai été, jusque-là, secrétaire de mon père, ce qui m’a permis d’apprendre beaucoup de choses… sauf danser le picoulet ! confessa-t-elle en souriant.
     
    Axel, bien que ce ne fût guère dans ses habitudes, se laissa, lui aussi, aller à quelques confidences sur ses activités et ses voyages. Il n’avait pas eu de conversation de ce genre avec une femme depuis plusieurs mois et la proximité de celle dont il avait tenu la main tiède réveillait en lui le vieil instinct du mâle séducteur, à la fois méfiant et soucieux de plaire.
     
    Désenchantement de s’être vu enlever Juliane après Adrienne, clairvoyance venue avec l’âge, égoïsme confortable du célibataire ou devoir accepté auprès de la petite Alexandra : toutes ces considérations l’avaient conduit à une sorte d’indifférence, sinon de dédain, face au sexe féminin. Or Élise Delariaz, qu’il ne connaissait pas depuis une heure, le mettait à l’aise. Gracieuse sans coquetterie dans ses attitudes, naturelle dans ses propos, elle paraissait bien consciente d’exister et semblait goûter avec complaisance, tel qu’il se présentait, le moment présent.
     
    Tout en parlant vignoble, barques, carrières de Meillerie – car le nom de Métaz était trop connu sur le littoral pour que M lle  Delariaz l’ignorât – Axel observait la fille du pasteur. Grande et bien charpentée, épaules rondes, mains puissantes mais doigts fuselés aux ongles en amande, visage net, pommettes hautes, nez grec aux ailes sensitives, lèvres vermeilles finement ourlées, elle offrait le plus beau type de Vaudoise. À la fois robuste et souple, droite et de port altier, elle devait être capable de porter avec autant d’aisance le costume villageois que la toilette de l’aristocrate se rendant à l’Opéra. Axel prit aussi conscience, dans la pénombre, qu’émanait d’Élise Delariaz, femme plus que jouvencelle, une sensualité saine et sans équivoque. Le mouchoir de fine mousseline blanche coulé dans le décolleté assez profond de sa robe avait glissé pendant la farandole. Ce petit désordre livrait à la lumière douce de la lampe à huile la ferme rondeur des seins.
     
    – Je devrais maintenant rejoindre mon père, dit-elle en achevant son verre d’eau, seule boisson acceptée.
     
    Axel se leva pour l’accompagner jusqu’à la table où le pasteur bavardait avec son confrère veveysan et les Fontsalte.
     
    – Nous devons rentrer, papa, il est tard, dit la jeune fille après avoir salué la compagnie.
     
    Le pasteur obtempéra avec la bonne grâce de celui qui a, depuis longtemps, accepté la tendre autorité d’une fille gérante du foyer. Il serrait les mains de ceux qui l’avaient accueilli, quand Axel s’inquiéta :
     
    – Comment rentrez-vous à Clarens ?
     
    –  Pedibus cum jambis , dit le pasteur, usant, par manière de plaisanterie, du latin macaronique qui agaçait Chantenoz.
     
    – Il n’y a qu’une lieue et la nuit est si belle ! dit M lle  Delariaz.
     
    On se récria qu’on allait, sur-le-champ, trouver une voiture pour ramener M. Delariaz et sa fille chez eux. Avant que le pasteur et Élise aient pu protester,

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