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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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son ancien élève, il se décida à sourire.
     
    – Je tiens beaucoup à Mrs. Exutoire. Mais je suis rétif au mariage et à tout ce qu’il entraîne : cohabitation permanente, repas en commun, bavardages domestiques, considérations financières, concessions aux goûts et aux humeurs de l’autre ! Cent chaînes, en un mot, que je suis incapable de supporter.
     
    – Allons donc, vous y viendrez, Martin, et ce sera une bonne chose pour vous. Vieillir seul est encore moins enviable que vieillir marié. Voyez Ribeyre : il a épousé Flora…
     
    – Elle a tout fait pour ça ! coupa Martin. Les femmes sont la forme primitive de la vie. L’instinct d’Ève les gouverne. Quand elles sont amoureuses, elles vont à l’amour. Amor omnibus idem 2 , a dit Virgile.
     
    – Permettez-moi, ô mon maître, de vous rappeler ce que dit Boileau du mariage. Vous me fîtes apprendre la tirade par cœur, mais je n’ai retenu que les deux derniers vers :
     

    Et que pour être heureux sous ce joug salutaire,
    Tout dépend, en un mot, du bon choix qu’on sait faire,
     

    récita Axel.
     
    – Il n’y a pas de bon choix pour l’homme ! Ce sont les femmes qui choisissent. Et je me marierai quand tu te marieras, mon garçon. Or, parti comme tu es à trente-deux ans, je ne cours pas grand risque. Nous sommes, avec l’ami Vuippens, de la race des célibataires. Nous pensons, comme Byron, que le mariage est à l’amour ce qu’est le vinaigre au vin ! Et nous avons, au pays de Vaud, beaucoup de bon vin à boire, conclut Chantenoz en quittant le salon, après une amicale bourrade à son ancien élève.
     
    Alors que tombaient, drus et serrés, des flocons de neige qui émerveillaient Alexandra, un quatrième événement vint troubler la quiétude hivernale de Rive-Reine. Lazlo, le Tsigane, reparut un matin. Pernette, ouvrant la porte à l’appel de la cloche du hall, recula, effarée, à sa vue. Le géant portait à la tête un pansement énorme et sale. À peine eut-il franchi le seuil qu’il s’assit, à même le plancher.
     
    – J’avais promis à Axou. Je viens, dit-il.
     
    La cuisinière courut au bureau où Axel travaillait avec Régis Valeyres.
     
    – Venez, vite. L’ogre noir est revenu. Je crois qu’il est à moitié mort, cria-t-elle.
     
    Les deux hommes se précipitèrent dans la maison et Axel se pencha sur Lazlo, qui eut un large sourire en le voyant.
     
    – Que t’est-il arrivé, Lazlo ? demanda Axel, impressionné par le pansement.
     
    – Les soldats russes m’ont cassé la tête, dit le Tsigane.
     
    – Tu viens de Koriska ?
     
    – Koriska, fini ! Tout brûlé, tout mort ! Les Russes venus de Pologne ont tout pris. Ils ont coupé la tête au Bulebassa. Les Tsiganes qui ont échappé ont pris la route du sud. Moi, je suis revenu ici.
     
    Voyant l’état du dernier fidèle d’Adrienne, Axel dépêcha Régis Valeyres chez le docteur Vuippens, avec mission de ramener le médecin, puis il demanda à Pernette de préparer une chambre dans les communs. La cuisinière s’exécuta sans enthousiasme, avec une moue traduisant son déplaisir d’avoir à vivre sous le même toit que l’ogre noir des Carpates !
     
    – On va le garder longtemps ici ? demanda-t-elle, dès le lendemain, en servant le déjeuner d’Axel.
     
    – Tant qu’il voudra rester. Il t’aidera pour les tâches ménagères, qui vont se trouver augmentées par l’arrivée, demain, de l’institutrice d’Alexandra. Il sera à tes ordres. Et puis, comme Pierre Valeyres se fait bien vieux, Lazlo servira de cocher. C’est un homme qui connaît les chevaux. Et un fort brave garçon, Pernette, malgré son aspect redoutable. Et je te prie de le traiter gentiment. Il a beaucoup souffert.
     
    – Pff, c’est un bohémien. Au pays d’En-Haut, on dit qu’ils volent les enfants pour les vendre !
     
    – Cesse de croire ces sornettes d’un autre âge. Les Tsiganes ont plus de noblesse de caractère que leurs détracteurs, et leur fidélité est sans faille.
     
    – Ça, ils le disent, en tout cas. Hier, quand je lui ai porté un bouillon après que le docteur l’eut pansé, il m’a dit : « Le maître Axou – c’est comme ça qu’il vous appelle – est un homme bon. Je le suivrai jusqu’en enfer ! » C’est pas chrétien de dire des choses pareilles !
     

    Ponctuelle, Élise Delariaz se présenta le 15 janvier à Rive-Reine et fut aussitôt installée dans son logement. Le même

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