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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d’ici, à Chernex, où il revient souvent depuis qu’en 1831 il a découvert ce village, qu’il appelle bizarrement Charmey 3  ? Il s’y est fait une amie à l’hôtel du Raisin, Pauline, une des plus belles paysannes du pays, qui lui sert de guide. Je la connais bien et elle m’a raconté que le musicien allemand égrène pour elle ses souvenirs d’Italie, d’où, peut-être, cette romance du gondolier. Il aime la faire parler de la vie villageoise, des fêtes, de la vigne. Elle l’a même conduit au bal. Ils font ensemble de longues promenades dans la montagne et c’est par Pauline que j’ai eu ce premier fascicule des Romances sans paroles , qu’on ne trouve pas encore chez les marchands de musique, dit Élise.
     
    Axel savait aussi que le compositeur allemand venait quelquefois, quand il séjournait au pays de Vaud, jouer chez Jacques-Édouard Couvreu 4 , l’actif philanthrope, député de Vevey au Grand Conseil et assesseur de la Justice de paix.
     
    Souvent, le soir, quand il était seul, Axel prit l’habitude de venir au salon écouter la jeune fille, pour qui Alexandra s’était déjà prise d’une affection fougueuse. Après l’interprétation d’une étude de Liszt ou d’une sonate de Schubert, Élise prenait place dans un fauteuil, pour bavarder. Au commencement, les lacunes de l’éducation d’Alexandra furent prétexte à ces tête-à-tête. Ainsi, un soir, en buvant une tasse de thé, M lle  Delariaz fit observer à Axel que sa filleule le tutoyait, ce qui était contraire aux usages.
     
    – Il serait plus respectueux qu’elle dît vous à son parrain, ne croyez-vous pas ?
     
    – Alexandra me tutoie depuis qu’elle parle. Nous n’allons pas la contraindre à changer cette habitude. Je ne crois pas que le respect dépende du pronom dont on use pour s’adresser aux gens. Et puis elle pourrait voir là, de votre part, une volonté de m’éloigner d’elle. Ce qu’elle vous reprocherait. Enfin, sachez, chère Élise, que je préfère, dans tous les cas, l’amour au respect.
     
    La jeune fille, étonnée de s’entendre pour la première fois appeler par son prénom, sans que son interlocuteur y eût été invité, marqua une pause, indécise. Puis, quand la conversation reprit et qu’Axel lui donna à nouveau du mademoiselle, elle comprit que les syllabes d’Élise étaient venues si spontanément sur les lèvres de M. Métaz, que lui-même ne s’était pas rendu compte de cette soudaine familiarité. Ce soir-là, en regagnant son appartement, elle trouva au parrain de son élève un charme nouveau.
     
    Avec ou sans intermède musical, les entretiens du soir entre Axel Métaz et l’institutrice devinrent vite un rite, inséré dans la vie quotidienne de Rive-Reine. Quand Pernette avait regagné sa chambre, après qu’Alexandra eut souhaité le bonsoir avant d’être mise au lit, Élise prit l’habitude de préparer elle-même le thé, qu’Axel acceptait de boire en sa compagnie avant d’aller dormir.
     
    Vuippens et Chantenoz, qui survenaient parfois à l’improviste, étonnés de ne pas trouver Axel dans son bureau, provoquèrent, lors de leurs premières apparitions, la retraite immédiate de l’institutrice. Puis, un soir, Axel la pria de rester avec eux, de jouer un ou deux morceaux pour le trio, ce qu’elle fit de bonne grâce. Comme elle allait se retirer après avoir reçu des félicitations méritées, tous protestèrent.
     
    – La présence d’une femme, surtout si elle est jolie, instruite et artiste, dans une assemblée d’hommes, rend ceux-ci plus intelligents, les oblige à plus de tenue, et même, car tel est leur souci de plaire, à se montrer plus brillants, débita Chantenoz.
     
    – L’ennui, dit Vuippens en caressant sa pipe froide, c’est que les femmes, même instruites, artistes et jolies, craignent la fumée et l’odeur du tabac !
     
    Élise comprit l’allusion et sourit.
     
    – Vous pouvez, messieurs, allumer vos pipes. Le tabac dégage une odeur à laquelle mon père m’a, très tôt, habituée. Et je sais que la combustion de cette herbe, plus encore que la présence d’une femme, donne de l’esprit aux hommes !
     
    Tous applaudirent. Les pipes furent bourrées et allumées dans l’instant.
     
    – Puisque vous êtes, mademoiselle, si bien disposée à l’égard des vieux garçons que nous sommes, nous autoriseriez-vous, aussi, à vider une bouteille de dézaley plutôt que votre théière ? dit

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