Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
j’ai pensé qu’il avait raison. L’honneur commandait cette intransigeance. Aujourd’hui, Martin, sachant ce que je sais de la vie, des hommes et des femmes, je ne suis plus aussi sûr qu’il ait agi avec sagesse et humanité envers nous tous. Mais de cela nous aurons l’occasion de reparler, puisque nous nous sommes retrouvés.
     
    – Alors, tu ne me méprises pas ? demanda Martin en ôtant ses lunettes, moins pour en polir les verres que pour essuyer discrètement une larme qu’Axel choisit de ne pas voir.
     
    – Aucun mépris, Martin. Dites-moi où vous logez à Genève et j’irai vous visiter. Nous aurons beaucoup à dire, j’en suis certain.
     
    – Je loge rue des Belles-Filles, au numéro 3. C’était autrefois le quartier chaud et malfamé de Genève. Aujourd’hui, n’y habitent que des professeurs et des pasteurs : c’est moins animé !
     
    Axel expliqua qu’il devait présentement se rendre au café Papon.
     
    – C’est le quartier général des comploteurs bonapartistes, des demi-solde, de tous ceux qui attendent que Napoléon revienne de l’île de Sainte-Hélène comme il s’est évadé de l’île d’Elbe ! commenta Chantenoz.
     
    – C’est justement à ces gens que j’ai affaire, dit Axel en s’éloignant avec un clin d’œil qui laissa le précepteur perplexe.
     

    Le première personne qu’Axel Métaz vit, en entrant au café Papon, fut le général-baron Pierre de Chaslin, qui lisait un journal et semblait commenter l’article à l’intention de ses voisins. Ceux-ci l’écoutaient avec attention. Le jeune homme s’assit à une table voisine et commanda un pichet de vin blanc. M me  Papon le reconnut et lui décocha, de son trône de caissière, un large sourire. Axel traversa la salle pour la saluer.
     
    – Le général Chaslin est là, dit-elle en désignant aimablement la table des grognards.
     
    – Je vais attendre qu’il finisse de lire son journal : je ne suis pas pressé, dit Axel avant de regagner sa place, d’où il suivit la conversation des bonapartistes.
     
    Il s’agissait d’événements qui venaient de se dérouler à Grenoble. Une rumeur sans fondement ayant annoncé la mort de Louis XVIII, les républicains grenoblois étaient descendus dans les rues pour manifester leur contentement. Tandis que des étudiants attaquaient la préfecture et conspuaient le préfet, le baron d’Haussez, d’autres manifestants, dont un jeune professeur d’histoire, Jean-François Champollion, habituellement occupé au déchiffrage des hiéroglyphes relevés sur des pierres égyptiennes, avaient grimpé au fort Rabot, qui domine la ville. Après avoir abattu la bannière à fleurs de lys et hissé le drapeau tricolore, ils s’étaient crus les maîtres de la cité. Mais, l’émeute vite matée, les meneurs avaient été arrêtés. Le journal présentait Champollion comme l’animateur d’une société secrète, l’Union , chargée de « former les cadres pour la révolution ». On soupçonnait ces républicains grenoblois d’être en rapport avec les carbonari italiens.
     
    – Le triste Haussez, oubliant qu’il fut élu député libéral en 1815, peut tous les envoyer devant la Haute Cour 16 , dont on connaît d’avance les arrêts, commenta avec colère Pierre de Chaslin.
     
    Quand l’émotion suscitée chez les grognards par cette nouvelle retomba, Axel se présenta au général. Le vieux soldat lui donna l’accolade avec une cordialité inattendue.
     
    – Que ne m’avez-vous dit, lors de notre première rencontre, que vous êtes le garçon de Fontsalte ! J’aurais dû m’en douter, bien sûr, à voir votre regard vairon. Morbleu ! On ne cache pas l’honneur d’être le fils d’un pareil brave.
     
    – Illégitime, crut nécessaire de préciser Axel Métaz, avec un peu d’humeur.
     
    – Illégitime, illégitime ! Tudieu ! Qu’est-ce que ça change, mon garçon ? Seul le sang compte. Aucune loi n’a jamais fait d’enfant à quiconque ! répliqua le général, déclenchant les rires de ses amis.
     
    – Et puis, mon gars, des enfants illégitimes, nous en avons tous, tant que nous sommes autour de cette table, en Italie, en Prusse, en Autriche ! dit un des anciens officiers, dont Axel reconnut la canne à pommeau d’ivoire.
     
    – Même en Égypte et en Russie, c’est probable, ajouta un autre en s’esclaffant.
     
    – Seulement voilà, nous n’avons pas, comme Fontsalte, la joie de les

Weitere Kostenlose Bücher