Robin
Dieu. » Puis il se précipita en direction
de l’endroit où ils avaient laissé leurs chevaux.
« Bran, libère-moi, implora
Mérian, dont la peur se teintait de colère. Ce n’est pas un rendez-vous.
— Je t’ai déjà demandé une fois
de me suivre, lui souffla-t-il à l’oreille. Tu as refusé. À présent, on dirait
bien que tu vas devoir venir avec moi, que tu le veuilles ou pas. »
Tuck revint en hâte avec les
chevaux. Il passa une paire de rênes à son compagnon puis grimpa avec peine sur
sa monture. Bran recula avec précaution jusqu’à la sienne. « En selle, et
vite », dit-il à Mérian en maintenant sa lame pressée contre sa gorge.
Après avoir remonté ses jupes, elle mit un pied dans l’étrier et laissa Bran la
faire monter d’un mouvement brusque sur le cheval. Puis, aussi rapide qu’un
chat, le jeune homme sauta derrière elle.
« Mes adieux, baron, dit Bran
en tirant sur ses rênes. Eussiez-vous fait le bon choix, vous auriez eu le
plaisir de voir la chute de votre rival. À présent, il vous faudra vous
contenter du fait de savoir qu’en ce jour, vous avez scellé votre propre sort.
— Je vous traquerai comme un
animal, rétorqua Neufmarché. Quand je vous aurai retrouvé, je vous étriperai et
je donnerai votre cadavre aux oiseaux.
— Il faudra déjà m’attraper,
Neufmarché. Si jamais nous sommes suivis, ce sera l’adorable corps sans vie de
Mérian que vous trouverez en premier.
— Ne gâche pas ta salive avec
eux, intervint Tuck. Hâtons-nous de sortir de ce nid de vipères.
— En route, Tuck ! »
Sur ces mots, Bran piqua des deux, bientôt imité par le frère grassouillet. Ils
zigzaguèrent entre les tentes avant de disparaître avec leur otage sous les
yeux stupéfaits des soldats.
« Poursuivez-les ! hurla
le baron. Mérian ne doit à aucun prix être blessée.
— Et les deux autres ?
demanda un des chevaliers.
— Une fois la damoiselle saine
et sauve, et à ce moment-là seulement, les avertit Neufmarché, tuez-les. Si
quoi que ce soit lui arrive, vous perdrez la vie. »
Les quatre chevaliers accoururent à
leurs chevaux et filèrent dans un fracas de sabots à la poursuite des fugitifs.
Le baron Neufmarché les regarda sortir du camp puis retourna dans sa tente en
jubilant. Quand ses hommes reviendraient avec Mérian, le dernier héritier du
trône de l’Elfael aurait péri – pour de bon, cette fois – et sa
présence indésirable ne serait bientôt plus qu’un souvenir. Les troupes que son
père le duc lui avait promises arriveraient au printemps avec les premiers
bateaux, et grâce au conseil qui venait de se conclure, il avait, à force d’engagements,
de cajoleries et de menaces, finalement obtenu de ses vassaux qu’ils
soutiennent ses plans.
L’apparition inattendue du prince
de l’Elfael aurait pu défaire tout ce qu’il avait accompli ces derniers jours,
mais par chance, ce problème allait trouver sa prompte résolution quand les
chevaliers reviendraient avec sa tête dans un sac. À peine cet obstacle imprévu
s’était-il dressé devant lui que la route se dégageait déjà. La conquête du
pays de Galles pouvait débuter.
Frère Tuck fut le premier à atteindre
le petit vallon dans lequel les quatre compagnons avaient établi leur
campement, à proximité des champs où s’était déroulé le conseil, mais dissimulé
entre deux collines. « Iwan ! Siarles ! cria-t-il en arrivant
devant les hêtres où ils s’étaient installés. Aux armes ! Les Ffreincs
arrivent ! »
Les deux hommes firent leur
apparition, tirant leur épée tout en courant. Comprenant la situation en un
clin d’œil, Iwan jeta son arme dans l’herbe et retourna en hâte chercher son
arc long. Lorsque Tuck sauta de sa selle, le champion revenait déjà avec deux
arcs dans une main et un faisceau de flèches dans l’autre. « Ils sont
quatre ! lui cria le frère. Bran a une femme avec lui et ne pourra pas les
distancer bien longtemps. Nous n’avons que quelques yards d’avance.
— Seulement quatre ? dit
Iwan en tendant un arc à Siarles. Vu comme tu criais, je pensais que tous les
Normands d’Angleterre étaient sur vos talons avec leurs chiens, pour faire
bonne mesure.
— Quelle femme ? demanda
Siarles qui bloquait son arme contre sa jambe pour la tendre.
— Nous avons dû prendre un
otage pour pouvoir fuir, expliqua Tuck. Pour l’amour du ciel,
dépêchez-vous ! »
Un cri s’éleva depuis le bord du
vallon.
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