Robin

lui confirma d’un hochement du menton.
L’évêque relut une deuxième fois le message : «… ainsi qu’une somme
d’argent destinée à la construction d’un nouveau monastère sur les terres
achetées à cet usage pour servir au mieux le peuple de l’Elfael, dès lors que
vous acceptez cette condition. » Scrutant l’étranger des yeux, il lui
demanda : « Avez-vous l’argent avec vous ?
    — Oui, répondit le cavalier.
    — Et la condition… quelle
est-elle ?
    — Que vous présidiez une messe
quotidienne pour les âmes du peuple de l’Elfael en lutte, ainsi que pour son
roi légitime et sa cour, chaque jour sans faute, et deux fois les jours
saints. » Le cavalier regardait impassiblement l’évêque.
« L’acceptez-vous ?
    — Avec plaisir et de tout mon
cœur, répondit Asaph. Dieu sait que rien ne me ferait plus plaisir que de
remplir cette mission.
    — Qu’il en soit ainsi. »
De la même bourse, le messager sortit un sac de cuir qu’il tendit au vieil
homme d’église. « Ceci est pour vous. »
    De ses mains tremblantes, l’évêque
ouvrit le sac étonnamment lourd et regarda dedans. Le reflet jaune de besants
d’or l’y accueillit.
    « Deux cents marks, l’informa
le cavalier.
    —  Deux cents, avez-vous
dit ? s’étrangla l’évêque.
    — Pour commencer. Il y en a
plus si vous en avez besoin.
    — Mais comment ? demanda
Asaph en secouant la tête de stupéfaction. Qui nous les envoie ?
    — Je ne suis pas autorisé à
vous le dire. » L’étranger marcha jusqu’au banc et retira son chapeau.
« Mon seigneur vous révélera son identité en temps voulu. » Il se
rendit dans la cour en passant devant l’évêque. « Pour l’instant, il
souhaite que vous utilisiez cet argent au service du royaume de Dieu, pour
venir en aide au peuple de l’Elfael. »
    Le sac d’argent dans une main et le
parchemin dans l’autre, l’évêque regarda le mystérieux messager s’éloigner.
« Comment vous appelez-vous ? lui demanda-t-il alors qu’il prenait ses
rênes et montait en selle.
    — Appelez-moi Silidons, car
tel est mon nom. Je vous souhaite une bonne journée, Monseigneur.
    — Que Dieu vous accompagne,
mon fils ! lui cria-t-il. Et aussi votre maître, quelle que soit son
identité ! »
    Plus tard, comme les moines de
Saint Dyfrig se réunissaient aux vêpres pour les prières du soir, l’évêque
Asaph se rappela la condition que le messager avait posée : de dire une
messe chaque jour pour le peuple de l’Elfael et pour son roi. Brychan était
mort dans de bien tristes circonstances. Si une âme avait jamais eu besoin de
prières, c’était bien la sienne – mais qui parmi les vivants pouvait se
soucier de construire un monastère entier afin qu’on puisse prier pour son
salut ?
    Mais non… non, le messager n’avait
pas cité Brychan. Il avait dit : «  Pour les âmes du peuple de
l’Elfael en lutte, ainsi que pour son roi légitime et sa cour…» Malheureusement, le roi et son héritier étaient morts, alors qui était
le souverain légitime de l’Elfael ?
    Asaph n’aurait pu le dire.
    Cette nuit-là, par respect pour sa
parole, le prêtre donna avec le reste des moines de l’Elfael, la poignée de
frères loyaux qui étaient entrés en exil avec lui, la première des nombreuses
messes qu’il allait conduire pour le cantref, son peuple et son mystérieux
bienfaiteur. Et si Vous y consentez, Père tout-puissant, se dit-il en
son for intérieur alors que les prières des moines tourbillonnaient autour lui
dans des nuages d’encens, puissiez-Vous me laisser vivre jusqu’au jour où un
véritable roi reprendra le trône de l’Elfael.

ROBIN DES BOIS
AU PAYS DE GALLES ?
    De nombreux lecteurs pourront
trouver étrange, voire peut-être un peu pervers, de sortir Robin des Bois de la
forêt de Sherwood pour l’installer au pays de Galles, et pire encore de le
priver de son identité anglaise, de transposer son histoire au XI e siècle et de donner à l’honorable hors-la-loi le rôle d’un homme combattant
pour la liberté de la Bretagne originelle. Mais je soutiens que bien que la
légende de Robin des Bois ait trouvé à Nottingham un sol riche pour s’épanouir,
on doit certainement chercher ses origines ailleurs.
    Les premières références écrites au
personnage que nous connaissons à présent sous le nom de Robin des Bois
remontent au début des années 1260. Vers 1350, la légende était déjà fort
répandue, bien