Robin
des
ennemis, mais le Christ ne disait-Il pas d’aimer son prochain, quel qu’il
fût ? Depuis qu’elle était assez âgée pour accompagner sa mère à l’église,
on lui avait appris à aimer ses ennemis et à faire le bien en toutes
circonstances, même vis-à-vis de ceux qui la persécutaient. Et si ce n’était
pas le cas des Ffreincs, alors qui ? Une jeune femme dans sa position
devait accueillir à bras ouverts cette chance de s’élever ainsi. Elle devait
même en être reconnaissante.
Elle se disait tout cela, et plus
encore. Mais son sentiment de trahison ne disparaissait pas pour autant.
Ce fut avec toutes ces pensées
tournoyant dans son esprit qu’elle se dirigea vers le pavillon de la baronne
situé au centre du camp, après une étendue désordonnée de tentes. Mérian y
avait été envoyée pour y trouver Sybil, et l’informer qu’elle avait fait ses
adieux à ses parents et que ses affaires attendaient d’être collectées par les
serviteurs du baron. Alors qu’elle passait devant la tente de Neufmarché,
cependant, un cri l’arrêta net.
On aurait dit une dispute qui
aurait éclaté. Quelque chose s’écrasa au sol, comme si une table avait été
retournée, puis sans crier gare quatre marchogi surgirent de la tente en
traînant deux hommes derrière eux. À la vue de la jeune noble qui se tenait
directement sur leur route, les soldats firent halte. Le prisonnier le plus
proche leva la tête. Même avec le sang qui s’écoulait d’une coupure au-dessus
d’un de ses yeux, même si Mérian n’avait jamais pensé le revoir parmi les
vivants, elle le reconnut aussitôt.
« Bran ! » De surprise,
elle avait crié son nom. « C’est bien toi ?
— Mérian, s’étrangla Bran, pas
moins stupéfait de la voir.
— Écartez-vous, ma dame, dit
l’un des chevaliers en ramenant brusquement Bran à ses pieds. »
Sans réfléchir, Mérian leva la
main. « Arrêtez ! » Les soldats obtempérèrent, la laissant se
rapprocher. « Je te croyais mort, tout le monde le croyait.
— Ils prenaient leurs désirs
pour la réalité.
— Vous connaissez cet
homme ? » La voix était celle de Neufmarché, qui était sorti de la
tente et s’approchait de Mérian.
— Je l’ai connu jadis »,
répondit la jeune femme, qui se tourna vers le baron. « Je… jusqu’à cet
instant, je pensais qu’il était mort ! Pourquoi le traitez-vous
ainsi ? Qu’a-t-il fait ?
— Il se prétend l’hériter de
l’Elfael, répondit Neufmarché. Il dit vrai ?
— Il l’est, assura Mérian.
— C’est tout ce que j’avais
besoin de savoir. » L’épée à la main, le baron fit signe aux soldats
d’avancer. « Emmenez-le. » Puis, se tournant vers Mérian :
« Je regrette que vous ayez assisté à ce spectacle, ma chère…» Il ne finit
pas sa phrase, car lorsque les chevaliers, toujours divertis par Mérian,
passèrent devant elle, Bran l’empoigna par la main et se libéra d’une secousse.
Après s’être emparé d’un poignard à la ceinture de son ravisseur le plus
proche, il tourna les talons en resserrant son étreinte sur Mérian. Neufmarché,
qui tenta maladroitement de la soustraire au jeune homme, faillit y perdre la
main.
« N’approchez pas !
s’écria Bran en appuyant la lame sur le cou gracile de Mérian.
— Bran, non…», suffoqua la
jeune femme.
Un des chevaliers fit un mouvement
brusque dans leur direction. Bran esquiva l’attaque et pressa davantage encore
son poignard sur la gorge de Mérian, qui poussa alors un cri d’effroi.
« Si vous vous souciez un tant soit peu de son sort, gronda-t-il,
écartez-vous.
— Repos, soldats »,
ordonna le baron. Puis, à l’attention de Bran : « Vous pensez
vraiment que cela va vous aider d’une quelconque manière ?
— C’est ce que nous
découvrirons bientôt. » Se tournant vers les soldats qui tenaient Tuck, il
leur ordonna : « Relâchez le prêtre. »
Les chevaliers regardèrent en
direction du baron. Celui-ci ne lâchait pas des yeux la lame affûtée contre la
douce chair blanche – une chair qu’il convoitait. Il ne pouvait supporter
l’idée de la voir abîmée. Neufmarché capitula d’un hochement de tête.
« Allez-y, dit-il d’un ton morne. Libérez-le.
— Tuck, va chercher les
chevaux ! » lui hurla Bran.
Le frère anglais donna un coup de
pied pointu à un de ses ravisseurs. « Ça, c’est pour avoir posé vos doigts
sales sur un humble serviteur de
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