Robin
En se tournant, ils virent Bran galoper dans leur direction, les bras
encombrés par une femme qui se tortillait en tous sens en hurlant. Sa monture
semblait peiner. Deux chevaliers ffreincs étaient en train de les rattraper,
l’épée brandie.
« Pour l’amour de Dieu, cria
Tuck, vite !
— Chaque chose en son temps,
mon frère, dit Iwan en passant une poignée de flèches à Siarles. Ce n’est guère
judicieux de presser un archer. Ça le fait rater son tir. »
D’un mouvement sûr, les deux
guerriers plantèrent leurs flèches dans l’herbe, en cueillirent chacun une et
l’encochèrent.
« Gauche ! annonça Iwan.
— Droite ! répondit
Siarles. Presque avec langueur, ils tendirent leur arc long et relâchèrent leur
corde respective comme un seul homme. Les deux flèches fusèrent dans l’air en
sifflant. Le chevalier de gauche, qui se tenait debout sur ses étriers, son
bras levé haut, prêt à abattre sa lame mortelle sur sa victime, reçut un des
projectiles en pleine poitrine. L’impact le projeta en arrière par-dessus la
croupe de son cheval – il était mort avant même de toucher le sol. À peine
celui de droite eut-il le temps d’apercevoir la selle vide de son compagnon que
le projectile de Siarles s’enfonça dans sa propre poitrine. Il laissa échapper
son épée et empoigna le projectile en luttant pour forcer sa monture au galop à
changer de cap – un combat qu’il perdit définitivement lorsqu’une seconde
flèche de Siarles l’atteignit juste en dessous de la première.
Bran continuait de galoper. Les
deux chevaliers restants surgirent du bord du vallon et s’élancèrent à sa
poursuite. « Gauche ! » répéta Iwan. Trait indistinct dans les
airs, le projectile souleva suffisamment le soldat de sa selle pour que sa
monture poursuive sa course sans lui.
Le seul chevalier survivant avait
dû voir les deux chevaux sans cavalier s’arrêter dans la pente, car il tenta
d’interrompre sa folle poursuite. Avec un cri de désarroi, il tira brusquement
sur ses rênes. Les sabots de sa monture glissèrent sur l’herbe haute, et
l’animal fit une embardée. Tout occupé à garder son équilibre, le soldat ne vit
même pas la flèche qui lui ôta la vie. Il s’écroula lourdement sur le sol et
demeura là, inerte.
« Prends leurs
chevaux ! » cria Bran à l’adresse d’Iwan tout en stoppant sa monture
éreintée. « Tuck ! Iwan ! Levez le camp. Neufmarché ne va pas
mettre longtemps à se rendre compte que ses chevaliers ne reviennent pas et à
envoyer des renforts. » Ses deux compagnons s’empressèrent d’aller
rassembler l’eau et les provisions.
« Laisse-moi
partir ! » hurla Mérian en lui lacérant les bras. Bran relâcha son
étreinte et laissa lourdement tomber la jeune femme au sol. Sa mante se releva
sur ses jambes nues. Elle avait déjà perdu ses chaussures dans l’échauffourée
qui avait eu lieu au campement du baron. « Tu l’as fait exprès !
hurla-t-elle une fois sur ses pieds, tandis qu’elle rabattait sa cape. Blême de
rage, ses yeux sombres lançant des éclairs, elle commença à le rouer de coups
de poing. « Comment oses-tu ? Je ne suis pas un sac de grain qu’on
ramasse et qu’on met sur son épaule. J’exige…
— Assez ! la rembarra
Bran, qui saisit ses deux poignets d’une main forte.
— Ramène-moi là-bas
immédiatement.
— Pour que ton ami le baron
sépare ma tête de mes épaules ? Non, je crois que je préfère vivre encore
un peu.
— Mon père te fera subir le
même sort si tu ne me libères pas. Peu importent les ennuis que tu as, ça ne t’aidera
pas de me garder. Je suis sûre que tout peut se résoudre si nous…
— Mérian ! » La main
de Bran vint heurter lourdement la joue de la jeune femme. « As-tu la
moindre idée de ce qui vient de se passer ? » Il désigna les
chevaliers morts dans la pente de la colline. « Regarde bien, Mérian.
Qu’il n’y ait pas d’incompréhension. Le baron a l’intention de me tuer, et je
ne compte pas lui donner une nouvelle chance d’y parvenir.
— Tu m’as frappée !
rétorqua-t-elle d’un ton sinistre. Ne t’avise jamais de recommencer.
— Ne me donne plus de raisons
de le faire, dans ce cas. »
Iwan revint avec trois chevaux.
« Il y en a un qui s’est échappé.
— Va aider les autres, lui dit
Bran en prenant les rênes. Trois suffiront.
— Que comptes-tu faire ?
lui demanda Mérian d’une voix tremblante de
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