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Romandie

Romandie

Titel: Romandie
Autoren: Maurice Denuzière
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rumeurs veveysannes. Il suivit, avec un intérêt croissant, le récit d’un
acteur de l’assaut raté.
    Dès le 28 janvier, les Polonais, hébergés dans le
canton de Berne, avaient pris, sans demander passeport ni autorisation, la route
du pays de Vaud. Isolément ou par petits groupes, ils avaient cheminé, de nuit
le plus souvent, en bénéficiant de l’aide des paysans. Axel se souvenait, en
effet, en avoir rencontré à Vevey, qui arrivaient de Morat, par Fribourg et
Châtel-Saint-Denis. Le maître vigneron des Métaz, Samuel Cornaz, qui ne cachait
pas sa sympathie pour les révolutionnaires et détestait – Axel ignorait
pour quel motif – les catholiques sardes, avait conduit ces réfugiés jusqu’à
Nyon. C’est dans cette ville, dont le Conseil communal était en majorité
favorable aux réfugiés, que devait être formée une colonne de deux cents hommes,
destinée à rejoindre, près d’Annemasse, la troupe du général Ramorino, présent
à Genève dès le 31 janvier.
    — Nous disposions de cent quarante-deux hommes, hébergés
depuis quelques jours dans les hôtels de la Fleur-de-Lys et des Trois-Rois, à
Nyon, à l’hôtel des Trois-Suisses et au café du Léman, à Ouchy. À Nyon, nous ne
nous cachions guère, car la population nous était acquise. Le préfet de Rolle, qui
avait fait arrêter onze des nôtres, avait été contraint, par ses administrés, de
les relâcher. Les Nyonnais nous apportaient à manger et à boire dans les hôtels
et dans les granges. Les femmes nous embrassaient. M. Monnier, l’homme qui
m’a accompagné ici en décembre, s’activait avec un inlassable dévouement, fournissant
des chars pour nous transporter et des vivres. Notre troupe devait rejoindre l’armée
de Ramorino dans le canton de Genève. Mais c’était compter sans la mobilisation
de la milice cantonale vaudoise ! dit le colonel, maussade.
    — Et le préfet de Rolle avait fait saisir la barque qui
devait vous attendre à Prangins, dit Ribeyre.
    — Hélas ! Quand, après avoir erré sur la rive, nous
sommes revenus à Nyon, les miliciens, commandés par M. Gély, nous entourèrent.
Plus une barque disponible et des soldats vaudois tout au long des berges !
C’est alors que, malgré mon opposition, certains de mes camarades ont usé de
violence pour se procurer un bateau. Ils se sont emparés d’une grande barque
chargée de bois de charpente, ont jeté la cargaison à l’eau, et nous avons
embarqué, tandis que sonnait le tocsin. Le commandant de la milice arriva et
nous ordonna de déposer nos armes. Nous étions bien cent cinquante à bord. Personne
ne voulut l’entendre, car nous savions les miliciens favorables à notre cause. Ils
refusèrent d’ailleurs d’obéir à leur chef quand il donna l’ordre de nous
arrêter. C’est tout à l’honneur des citoyens de Nyon, constata le colonel.
    — Ce fut peut-être, de votre point de vue, tout à l’honneur
des citoyens mais, quel que soit leur généreux motif, cela constitue, pour des
miliciens requis au maintien de l’ordre, un acte de désobéissance caractérisé
et regrettable. Vous vous étiez emparés d’une barque de vive force et veniez de
causer un fort préjudice à un transporteur que je connais en détruisant sa
cargaison, observa Axel Métaz, assez sèchement.
    Bon Vaudois, respectueux des lois et propriétaire de barques,
le fils de Blaise ne pouvait admettre un tel acte, commis par des étrangers
amicalement accueillis en pays neutre.
    — Mon fils a raison, colonel. Ce genre de procédé
finira par vous aliéner les sympathies des Vaudois. Le droit d’asile est un
droit sacré, certes, et la Suisse le pratique avec largesse, mais il impose des
devoirs aux réfugiés, renchérit Blaise de Fontsalte, approuvé d’un hochement de
tête par Ribeyre.
    — Je reconnais, messieurs, le bien-fondé de votre
observation et croyez que je regrette que certains d’entre nous en soient venus
à de telles extrémités… surtout que cette action, préjudiciable à la réputation
de tous les réfugiés, fut inutile, dit le colonel.
    L’officier observa un court silence, comme pour souligner
que ces regrets tenaient lieu d’excuses, puis il reprit son récit :
    — Tandis que nous prenions le large, nous entendions
les cloches, qui sonnaient le tocsin, se répondre de ville en village, tout au
long de la côte. Avec la nuit vint le froid vif et l’on constata l’absence de
nourriture. Vers huit heures du matin,
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