Sachso
commun avides de ces postes qui mettent leurs titulaires, provisoirement du moins, à l’abri de la faim et des sévices.
Au début, 31 hectares de forêt et de broussailles sont défrichés à Sachsenhausen. Les S. S. se réservent naturellement les premières baraques sorties de terre. Les prisonniers campent comme ils peuvent, en plein air. Les conditions sanitaires sont déplorables. Il faut aller chercher l’eau à Oranienburg avec des citernes jusqu’à ce que les canalisations soient raccordées en août au réseau principal.
En septembre, la Gestapo commence à livrer ses victimes directement des prisons. L’effectif se complète le 16 octobre de deux cents détenus venant de Lichtenburg, puis un autre convoi porte, en novembre, l’effectif à mille six cents hommes.
À cette époque, les détenus sont vêtus de vieux uniformes de la police. Ils seront ainsi habillés jusqu’à la fin de 1938, date à laquelle ils reçoivent les « zebra », costumes de bagnards rayés bleu et gris blanc. Ils portent aux pieds des socques de bois appelés « Holländer ». Sur la veste sont cousus une bande de tissu portant le numéro matricule du prisonnier ainsi qu’un triangle dont la couleur indique le motif de l’internement. Un triangle rouge désigne un détenu politique ; jaune, un juif ; violet, un Témoin de Jéhovah ; vert, un droit commun ; noir, un asocial ; rose, un homosexuel ; bleu, un apatride. Une lettre sur le triangle indiquera plus tard la nationalité des prisonniers non allemands : F pour les Français, P pour les Polonais, etc.
Rapidement, la discipline s’alourdit. Les récidivistes, c’est-à-dire des détenus ayant déjà fait un séjour dans un camp – car il y avait alors des condamnations à temps – portent au-dessus de leur triangle rouge une bande de même couleur et sont rassemblés dans un kommando disciplinaire. Les évadés repris doivent coudre sur le devant et le dos de leur veste un disque rouge appelé « point d’évasion » ( Fluchtpunkt ) par les S. S. « cible » ( Zielpunkt) par les prisonniers, car il marque, pour les tireurs, la place du cœur.
Les sanctions s’échelonnent déjà d’une façon diabolique, des simples punitions aux exécutions.
Parmi les premières constructions, il y a la prison ( Zellenbau), séparée du reste du camp par des barbelés, des palissades, un mur. Quatre-vingts cellules servent aux arrêts, qui comprennent trois degrés : les arrêts normaux, jusqu’à vingt-huit jours en cellule éclairée avec la ration normale ; les arrêts moyens, jusqu’à quarante-deux jours avec de la nourriture chaude seulement tous les trois jours ; les arrêts durs en cellule obscure, où le prisonnier ne peut ni s’asseoir ni se coucher durant toute la journée. Certains ne quittèrent jamais cet enclos et y trouvèrent la mort, comme l’écrivain communiste hongrois Julius Alpari, arrêté à Paris en 1941 et fusillé au camp le 17 juillet de la même année. Le pasteur Niemöller, que Hitler avait voulu contraindre à créer une Église « nationale-socialiste », condamné à sept mois de prison le 2 mars 1938 par le tribunal de Berlin-Moabit et attendu à sa sortie par la Gestapo, est amené en ce lieu, où il restera jusqu’à la défaite du nazisme.
Des prisonniers deviennent fous, d’autres se suicident. Le chef des cellules, l’adjudant S. S. Eccarius, accomplira sa tâche pendant sept ans, jusqu’au bout. À la libération, on n’y retrouvera que treize survivants. Eccarius sera condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Une forme de punition est appliquée à partir de novembre 1936 : les vingt-cinq coups. Le condamné est lié à plat ventre sur une sorte de cheval d’arçon (Bock) et reçoit sur les fesses et sur les reins des coups de schlague dont le nombre, vingt-cinq en général, peut toutefois varier selon la faute.
Il y a le supplice du « pieu », qu’on inflige dans la cour du bâtiment des cellules. Le pieu est un poteau de bois d’environ trois mètres de haut, planté en terre et d’où pendent des chaînes fixées à son sommet. Le prisonnier, qui a les mains liées derrière le dos par des menottes, est accroché à ces chaînes puis hissé, bras retournés, pieds ballants. Les souffrances du malheureux sont aggravées par les coups de poing des S. S.
Non loin des pieux il y a aussi un cachot souterrain (Erdbunker), où le détenu est descendu par un puits, une corde
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