Sachso
passée sous les aisselles, dans l’obscurité la plus complète.
Aux sévices s’ajoutent les souffrances du travail quotidien de la construction et de l’agrandissement du camp ainsi que l’édification d’autres camps. En 1938, un kommando de Sachsenhausen part installer le camp de Neuengamme sur la rive droite de l’Elbe, au milieu des marais, à vingt-cinq kilomètres de Hambourg. Au début de 1939, cinq cents prisonniers de Sachsenhausen sont envoyés construire le futur camp de femmes de Ravensbruck, au nord de Fürstenberg. En août 1940, une centaine de Polonais partent poser les premiers barbelés de Gross-Rosen. Le 21 mai 1941, trois cents Allemands de Sachsenhausen, en majorité des « droit commun », arrivent en Alsace pour y aménager le camp du Struthof.
UN SINISTRE TRIANGLE
Dans sa forme définitive, le camp d’Oranienburg-Sachsenhausen est un triangle presque équilatéral d’environ 600 mètres de côté et s’étendant sur 18 hectares. Au milieu de la base de ce triangle se trouve le bâtiment de la porte d’entrée appelé aussi « tour A ». Il est crépi de blanc, a deux niveaux et est surmonté d’un mirador, avec mitrailleuse, d’où l’on peut surveiller juste en dessous la place d’appel qui a la forme d’un demi-cercle de 100 mètres environ de rayon. Au-dessus du porche d’entrée, côté extérieur, est inscrit en grosses lettres gothiques de métal : « Schutzbaftlager » (camp de prévention). Le bâtiment abrite les services S. S. de surveillance, les bureaux du chef de camp, du secrétariat ( Rapportführer) et du service du travail ( Arbeitsdienst ), ainsi que le poste de transformation qui alimente les projecteurs des miradors et les barbelés électrifiés. La grille en fer forgé du portail est ornée de l’habituelle inscription des camps nazis « Arbeit macht frei » (Le travail rend libre). Des milliers et des dizaines de milliers de prisonniers d’une vingtaine de nations passeront devant cette inscription, mais pour plus de cent mille la liberté s’appellera la mort.
Le camp est ceinturé d’un mur de 2,70 mètres de haut, surmonté de fils électrifiés. À intervalles réguliers, il y a des tours de garde avec au sommet une salle de surveillance occupée par trois ou quatre S. S. armés de carabines ou de mitrailleuses. Des projecteurs orientables permettent de balayer tout le camp de là-haut. À deux mètres environ du mur, côté intérieur, une barrière de fils de fer barbelé électrifiés limite un chemin de ronde où les S. S. circulent accompagnés de chiens. Toujours vers l’intérieur, des chevaux de frise sont disposés devant cette clôture électrifiée longée par une bande de gravier – la « zone neutre » – où sont plantés des écriteaux portant une tête de mort avec l’inscription : « On tirera sans sommation. »
La place semi-circulaire sert plusieurs fois par jour au rassemblement des détenus, pour l’appel. Les S. S. comptent, recomptent les prisonniers alignés au garde-à-vous sous la pluie, la neige ou le soleil accablant. Le 18 janvier 1940, un appel dure vingt heures ; le thermomètre marque -26°et 430 hommes meurent sur le coup et dans les jours qui suivent.
Sur cette place se déroulent aussi les séances de Stehkommando, qui obligent à rester immobile au garde-à-vous pendant des heures. Elle est d’autre part bordée par une piste que parcourt, durant la journée, le kommando disciplinaire (Strafkompanie) chargé de l’essai des chaussures de marche de la Wehrmacht.
Les baraques des détenus sont disposées selon les rayons du demi-cercle de la place d’appel, à la manière d’un éventail. La première rangée comprend dix-huit blocks terminés en mai 1937. Pour la visite de Himmler au camp, en août 1939, est peinte en blanc sur leur pignon vert une énorme inscription qui saute aux yeux des arrivants : « Es gibt einen Weg zur Freiheit ; seine Meilensteine heissen : Geborsam, Fleiss, Ehrlichkeit, Ordnung, Sauberkeit, Nüchternheit, Wahrhaftigkeit, Opfersinn und Liebe zum Vaterland » (Il y a un chemin vers la liberté ; ses bornes kilométriques s’appellent : obéissance, assiduité, honnêteté, ordre, propreté, sobriété, franchise, sens du sacrifice et amour de la patrie).
Construites en bois sur un socle de béton, ces baraques sont toutes du même modèle. Elles comprennent deux ailes symétriques ( Flügel A, Flügel B) avec, au centre, des
Weitere Kostenlose Bücher