Sachso
retrouvent le 25 décembre au block 1, chambre D pour célébrer la traditionnelle fête de l’espérance. Roland Picart présente le programme : « Je m’adresse alors à tous les camarades, les remerciant d’être venus nombreux à la première assemblée des Français du camp… » Puis le concert se déroule comme tous les concerts où chacun fait de son mieux pour distraire ses camarades. « Nous avons entre autres deux excellents chanteurs de Marseille qui se sont déjà produits à la Radio, notre camarade Jean, d’Ouzouer-Ie-Marché, dans “Ça c’est Paris”, notre ami Kid Francis, ex champion de France et d’Europe de boxe, qui mourra la veille de la libération, d’autres encore. À noter la défaillance de mon camarade Lucien Piron (secrétaire général du Syndicat des Voyageurs, membre de la Commission administrative de la C. G. T.), qu’une dérouillée maison administrée par le fou du block 11, dit “La Blonde”, un Allemand inverti, hystérique, bandit de grand chemin, rend aphone pour plus de huit jours.
« Bientôt, il est l’heure, l’heure de la distribution du pain et l’on chante en chœur “Les Montagnards”, la chanson “À Compiègne” et, pour clôturer, le “Chant du départ”. Au dehors, une foule de Polonais, de Russes, d’Allemands nous écoutent, étonnés.
« Pour la première fois, les “Franzouses” en force se font connaître ; chacun ressent au fond de lui-même l’impression de n’être plus isolé, d’appartenir à une collectivité, de retrouver la notion de la patrie, de la France… Noël 1943 ? Un rayon de lumière au fond du gouffre… »
Car les ombres au tableau restent nombreuses, dangereuses, menaçantes. Des criminels sont toujours incrustés dans la hiérarchie du camp et les S. S. demeurent des S. S. Un dimanche après-midi, Raymond Blot, puni, fait connaissance avec le Strafarbeit : « Encadrés de S. S., les uns armés de leurs mitraillettes, les autres de baguettes d’osier, nous sortons du camp pour aller labourer les jardins qui l’entourent. Nous sommes une dizaine, le torse nu, attelés par un cordage à une charrue. » Au block II, étendu sur une table et frappé de vingt-cinq coups de schlague : il avait raclé un barreau de tabouret pour fumer les copeaux avec André Sourdaa et Joseph Goya.
Au début de 1944, l’activité s’accroît à l’usine Demag. Le 22 février 1944, une kolonne supplémentaire est constituée. Son numéro – 13 – n’est pas le seul élément qui intrigue. Elle est isolée du camp, loge dans l’usine même, n’a aucun contact avec les autres détenus et son travail, mystérieux, concerne des projectiles de gros calibre qu’emmènent des wagons-plates-formes bâchés et sérieusement surveillés. Ce sont des fusées V1 et V2, et la kolonne 13, en mars, part à Dora, le kommando de Buchenwald spécialisé dans la construction de ces engins.
Des ateliers, ceux de la kolonne 11 (serrurerie, tournage, fraisage, rectification, contrôle) sont transférés à l’intérieur même du camp.
Les effectifs se gonflent par des apports sans cesse renouvelés. Le 3 juillet 1944, six cents Français débarquent d’un coup. Ils font partie du convoi des « 84 000 », immatriculés le 1 er juillet à Sachsenhausen.
À cette époque, le Revier, avec Gustav Buttgereit, et les cuisines, avec Max Reimann, sont les preuves les plus tangibles du changement d’orientation dû à l’accession de communistes allemands à des postes-clés et à une contribution importante des Français à cette évolution. Dans les deux secteurs, tous les « droit commun » sont remplacés par des « politiques ». Sur les dix postes du Revier, trois sont occupés par des Français : le docteur Breitmann, l’étudiant en médecine Bernard Dutasta, l’infirmier Georges Septépé. Aux cuisines entrent Marcel Radureau, Georges Conrad, Charles Nicolaï, les deux frères Alvaro et Jean Mélai.
Les uns et les autres s’efforcent de développer l’organisation de la solidarité collective inséparable de la résistance clandestine.
Dans les ateliers, où les nouvelles du débarquement en France et de l’avance soviétique à l’est ne laissent personne indifférent, nos compatriotes n’hésitent pas à discuter avec certains civils allemands, les Meister, trop âgés pour le service armé, qui dirigent techniquement les travaux, si l’on peut dire !
Dans la kolonne 9, Gervais
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