Sachso
ravitailleurs des « clandestins », ceux qui hébergeaient les pourchassés, les passeurs, etc.
À Elbeuf, en août 1942, des militaires anglais et canadiens faits prisonniers lors de l’opération-amphibie de Dieppe s’échappent du train qui les évacue. Ils sont recueillis, soignés par une chaîne de solidarité qui se forme de bouche à oreille, principalement dans le milieu des commerçants. Le photographe André Tricot, le coiffeur Robert Lesien, le courtier en tissus Robert Teurquety perdront ainsi leur liberté à Sachsenhausen pour l’avoir rendue à d’autres.
À quel moment le cheminot socialiste Léon Bronchart, de Brive, est-il le plus résistant ? En 1940, quand, à Bordeaux, il prend des sacs de courrier bloqués par les Allemands (des lettres de P. G. alors concentrés en Bretagne) et leur fait passer la ligne de démarcation au fond d’un tender de locomotive ? Est-ce le 6 juin 1941, quand il écrit à Pétain une lettre qu’il affiche dans le dépôt de Brive et qui lui attire une première visite de la police ? Est-ce le 31 octobre 1942, en gare de Montauban, lorsqu’il refuse de conduire le train 4128 qui transfère des internés politiques de la prison d’Eysses au camp de Saint-Paul-d’Eyjeaux ? Quand il travaille avec Edmond Michelet à la formation du N. A. P. (Noyautage administration et professions) ou quand, agent P 2 des Groupes francs de la zone Sud, il participe à des sabotages, à des destructions de matériel ? Sous le numéro 64 590 d’Oranienburg-Sachsenhausen il y a tout cela : la vie de Léon Bronchart. Et le numéro 64 592 est pour son fils, qui a suivi son exemple.
Autre cheminot, Georges Cassin, arrêté le 14 septembre 1942 à La Roche-sur-Yon, ne dissocie pas de son engagement dans la Résistance son activité syndicaliste. Travailler à la reconstitution en sous-main des syndicats dissous est un crime de lèse-majesté ou plutôt de lèse-Hitler et de lèse-Pétain.
Le 27 mars 1942, à Paris, Charles Deléglise est arrêté dans une opération visant en particulier d’anciens dirigeants de grands syndicats parisiens de la C. G. T., qui, évidemment, n’étaient pas restés inactifs. Corentin Celton, ancien secrétaire du Syndicat des hospitaliers, sera fusillé, ainsi que Maurice Guerin frère de Roger Guerin, ce dernier étant déporté à Oranienburg-Sachsenhausen avec Charles Deléglise et Georges Roux, ancien secrétaire du Syndicat du Métro.
Dans les entreprises, des comités populaires ont constitué la première forme de réorganisation des travailleurs pour la défense des revendications et le freinage collectif de la production. Alex Le Bihan, métallurgiste parisien, tombe ainsi entre les mains de la police vichyste. Huit mois et demi à la Santé, quinze jours au dépôt, et c’est la caserne des Tourelles à la fin février 1943 : « Nous occupons l’aile gauche de la caserne. Sur les portes ont été placardées des affiches nous demandant de nous rallier à Pétain. Nous faisons de la propagande dans les chambrées pour inciter les internés à n’en rien faire. Je pense, sans en avoir la certitude, que c’est à la suite de cette action que nous sommes, à soixante, expédiés à Compiègne et livrés aux Allemands. »
Des syndicalistes C. F. T. C., des dirigeants d’organisations professionnelles autonomes comme Georges Lapierre, secrétaire général du Syndicat national des instituteurs et fondateur de l’ École libératrice, sont déportés de la même manière à Sachsenhausen.
Enfin de nombreux Espagnols, réfugiés républicains, sont mêlés aux Français qui partent pour le camp. La plupart de ces Espagnols viennent du fort du Hâ à Bordeaux, la ville où ils se sont fixés, travaillant chacun de son côté, en citoyens libres. Ils ne sont pas victimes de mesures d’ordre général. Ils ne sont pas comme ces 10 000 Espagnols faits prisonniers dans les compagnies de travail de l’armée française pour l’élargissement de la ligne Maginot et qui, sortant de camps d’internement en France, se retrouvent au bagne nazi de Mauthausen. Eux, ils sont arrêtés par la police de Pétain et la Gestapo, comme leurs camarades français, pour activité anti-hitlérienne, propagande, sabotage, lutte armée. Franco, Hitler, Pétain ? C’est le même combat qu’ils poursuivent et ils ne cesseront de faire corps avec leurs frères français.
Si les gros départs pour Sachsenhausen se font en convois
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