Sachso
attestation dans laquelle ils certifient n’avoir subi aucun sévice et s’engagent à ne rien divulguer de ce qu’ils ont vu au camp.
Des voitures cellulaires les attendent sur la place d’appel, mais à Berlin, après interrogatoire, il n’y en aura que la moitié environ à retrouver un régime de liberté surveillée. Ils travaillent dans des entreprises berlinoises et sont contraints de venir signer régulièrement chez le juge Lorentz chargé de l’affaire. Les autres, enfermés à la prison de Charlottenburg, en sont extraits pour des interrogatoires à la Gestapo de l’Alexanderplatz par le même juge Lorentz, qui n’hésite pas à les frapper. Si l’on perd la trace à ce moment-là de René Tardy, probablement fusillé à Charlottenburg, la plupart des « Tunisiens » réintègrent Sachsenhausen.
LES DERNIERS ARRIVANTS
En juillet 1944 a lieu à Sachsenhausen la dernière grande entrée de Français en provenance de Compiègne. Ils sont environ 1 100, immatriculés dans les numéros 84 000, et savent déjà ce qu’est un camp de concentration. Partis de Compiègne le 4 juin 1944, ils sont en effet passés par le camp de Neuengamme, près de Hambourg, où leur quarantaine a commencé par un spectacle horrible qui poursuit Pierre Abraham, l’ingénieur polytechnicien du Génie maritime, le résistant qui se dissimule sous le pseudonyme de Pierre Arnoult : « Le lendemain de notre arrivée à Neuengamme, la pendaison de trois Russes devant lesquels nous avons dû défiler en musique, avant et après, nous laisse un souvenir inoubliable… »
Dans son flux de 1940, la vague nazie a arraché ses premières victimes au nord et à l’est de la France ; c’est là encore que, dans le reflux de 1944, elle emporte ses dernières proies. Au soir du 1 er septembre 1944, à la prison de Loos, près de Lille, une agitation fébrile règne chez les gardiens allemands. Les alliés approchent. Une partie des prisonniers est relâchée, mais 1 250 sont embarqués en catastrophe à Tourcoing. C’est le « train de Loos » , le dernier train de déportés de France, comme celui des mineurs du Nord, trois ans auparavant, avait été le premier. À Cologne, le train est scindé en deux. Des wagons partent directement vers Sachsenhausen. Des matricules dans la série des 97 000 sont attribués aux déportés de ce convoi qui suivent ceux d’un autre groupe arrivé de Moselle. Leurs camarades, restés quelques jours à Mulheim, n’entrent qu’ensuite à Sachsenhausen, où ils reçoivent des numéros dans les 101 600 et la suite.
D’autres « nouveaux » , en septembre 1944, arrivent au camp sans venir de Compiègne. Ce sont des prisonniers que les Allemands ont emmenés avec eux en fuyant Paris, qui se libérait lui-même. Louis Péarron les voit débarquer à Sachsenhausen : « Ils sont de la banlieue est de Paris : de Neuilly-Plaisance et de Nogent-sur-Marne, que les Allemands traversent dans leur repli. Sur la route, un officier est tué. C’est le prétexte pour une dernière rafle. Un pâté de maisons est cerné. Les hommes sont mis d’un côté, les femmes de l’autre. Les hommes sont poussés dans des camions qui roulent vers l’est. À bord, parmi les personnes arrêtées, se trouvent des pompiers appelés pour éteindre un incendie. Tout le monde se tait : Il est interdit de parler. Cependant un pompier demande dans la nuit : “Quelle heure est-il ?” Il est immédiatement abattu et son corps jeté sur la toute. Un autre me raconte qu’il a serré la main d’un Américain, place de l’Opéra, le 25 août 1944… »
Cet « autre » est un garçon du Perreux, Jacques Leclerc, dix-neuf ans, qui appartient au réseau Défense de la France : « Des arrestations massives nous avaient contraints à nous replier de la banlieue est en Seine-et-Marne dans un maquis à Flamboin-Gouay. La percée des blindés de Leclerc vers Paris nous fait revenir, on ne veut pas manquer ça. Je reçois une carte toute neuve au nom du Mouvement de libération nationale, né de la fusion de divers réseaux.
« Le 25 août 1944, des nouvelles signalent l’entrée des troupes françaises dans la capitale. Avec des camarades, je m’y rends aussitôt dans la matinée. C’est déjà la fête, les rues sont pleines de monde. Il y a des drapeaux partout ; parfois ils disparaissent, signe que des Allemands, les derniers, rôdent encore ; l’alerte passée, on les voit flotter de
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