Sachso
toilettes et des lavabos communs. De part et d’autre, deux salles pour chaque aile : un réfectoire, un dortoir. À l’origine un block a été prévu pour 120 ou 140 prisonniers. En octobre 1944, il y en aura jusqu’à 800. Dans les châlits à trois étages des dortoirs, les prisonniers dorment à cette époque à deux, voire trois par niveau.
Entre ces cercles de baraques – on ne peut s’empêcher de penser aux cercles de l’Enfer décrit par Dante – s’enfoncent des allées. Au début de l’allée centrale, perpendiculaire au bâtiment d’entrée, deux trous maçonnés dans le sol permettent de monter la potence qui sert aux exécutions publiques. Plus loin, il y a la laverie et la cuisine des détenus.
À gauche de la porte d’entrée, un groupe de baraques forme l’infirmerie ( Revier ). Les deux premières servent à l’admission et aux visites. Très modernes, propres, bien équipées, on y amène les hôtes de marque ou les journalistes pour montrer le soin que prennent les S. S. de leurs « prévenus » soumis à rééducation. Les autres blocks, répartis par groupes de maladies – le Revier 5 par exemple, est affecté à la dysenterie – sont de véritables « Cours des miracles », d’où l’on extrait les cobayes humains destinés aux expériences médicales des S. S.
En 1941, entre le mur d’enceinte et le Revier, trois morgues sont construites sous le nom de « Pathologie ». D’une surface de 230 mètres carrés, carrelées de blanc, elles peuvent contenir des centaines de corps dans leurs sous-sols. Au-dessus, dans le bâtiment de la Pathologie, les médecins S. S. dissèquent les cadavres et prélèvent les pièces intéressantes pour les universités et les instituts d’anatomie.
Il y a en tout 68 blocks où vivent les détenus, mais certains sont des prisons à l’intérieur d’une prison. À droite de la porte d’entrée se trouvent ainsi les blocks de quarantaine ( Isolierung ), où les entrants sont dressés à la vie concentrationnaire. En juin 1944 y seront enfermés des détenus sur lesquels enquête une commission de la Gestapo sous les ordres de Cornely. Il y a les blocks 37, 38 et 39 où sont enfermés en septembre 1939 neuf cents juifs de Pologne qui ont été précédés en ces lieux par bien d’autres. Dans ces blocks, les fenêtres et les conduits d’aération sont obturés. Il n’y a aucun meuble. Les prisonniers couchent à même le sol. Ils sont contraints à faire du « sport » pendant des heures, c’est-à-dire des mouvements de gymnastique inimaginables qui se terminent par le « salut de Sachsenhausen » bras derrière la tête et genoux pliés. Proches également, les blocks 18 et 19, où sont consignés les détenus qui impriment les fausses livres sterling de l’ « opération Bernhard » montée par les S. S. dans l’espoir de ruiner l’économie anglaise.
Prison encore dans la prison, le groupe de baraques (blocks 10, 11, 12, 34, 35, 36) où sont enfermés en septembre 1941 une vingtaine de milliers de prisonniers de guerre soviétiques en violation des conventions internationales. Ils sont exterminés dans des conditions atroces. Ils ne reçoivent aucune nourriture pendant plusieurs jours. À trois mille par baraque ils sont obligés de rester debout, coincés les uns contre les autres. Au matin, ils doivent faire passer par-dessus leur tête les morts de la nuit pour les jeter à l’extérieur par les fenêtres. Quand ils sortent, c’est pour aller au massacre, à la chaîne. À la fin de la guerre il n’y aura que sept cents survivants.
Mais le camp ne se limite pas qu’au triangle. À l’extérieur, sur le côté droit, se trouve un petit camp spécial ( Sonderlager) constitué à l’origine de quatre chalets en bois réservés à des prisonniers de marque.
À l’extérieur encore du mur d’enceinte, mais sur le côté gauche, une autre clôture délimite un ensemble industriel (Industriehof) où voisinent la menuiserie d’une usine militaire (D. A. W. : Deutsche Ausrüstungswerke) et l’usine d’extermination (Station Z). La lettre Z, dernière de l’alphabet et qui désigne dans la terminologie militaire tout ce qui a trait aux gaz asphyxiants, est un symbole éloquent. Après le passage dans cette « station Z », qui comprend chambres à gaz, crématoires, stand de tir pour les fusillades, il n’y a que le néant.
Avant la guerre, les familles des morts allemands peuvent
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