Sang Royal
avec ces crapules de serviteurs de la maison du roi. Tu aurais dû les voir pendant le trajet… Ils insultent les villageois, se saoulent, défèquent quand l’envie leur prend, n’importe où dans les champs, et sans les soldats, ils auraient pillé les chariots. Et quelle insolence ! Ils exhalent leur haleine fétide en plein dans le visage des courtisans, se tripotent la braguette sous vos yeux. » Il secoua la tête. « Leur nouveau savoir a rendu les gens du peuple arrogants. » Il se tourna vers moi, l’œil à nouveau perçant. « Mais toi, tu penses peut-être différemment. Il paraît que tu soutiens la réforme.
— Au début, oui. Aujourd’hui je ne soutiens plus personne. »
Il poussa un profond soupir. « Tu te rappelles l’époque où l’on était étudiants, avant que Nan Boleyn ait mis le pays sens dessus dessous ? Nous coulions des jours paisibles, saison après saison, à Lincoln’s Inn. L’avenir était aussi sûr que le passé.
— On risque d’enjoliver les souvenirs de cette période.
— Peut-être, répondit-il en hochant la tête. Cependant, c’était une meilleure époque. Quand je suis allé travailler à la Cour, la vieille noblesse était encore au pouvoir. Mais aujourd’hui… ces roturiers, ces nouveaux dirigeants… Si Cromwell n’est plus là, il en reste tant d’autres…
— Oui. J’ai vu Richard Rich tout à l’heure. »
Sa réaction me surprit. Il fit un bond en arrière et fixa sur moi un regard à la fois effrayé et courroucé. « Tu connais Rich ?
— Du tribunal. J’ai un procès en cours à Londres où il soutient mon adversaire.
— C’est un serpent ! s’écria-t-il d’un ton passionné.
— Ça, c’est bien vrai. » Je m’attendais qu’il s’exprime davantage, mais il changea de sujet. « Au fait, sait-on quelque chose à propos de la personne qui t’a agressé au manoir ?
— Non, fis-je en le regardant droit dans les yeux. Mais on va la retrouver.
— Peut-être n’es-tu pas au courant, mais la sécurité a été grandement accrue depuis que tu as été attaqué. Et on dit que la mort du malheureux Oldroyd n’était pas un accident. Qu’il a été assassiné, pour une raison ou une autre.
— Vraiment ?
— Oui. Les personnes chargées de la sécurité sont inquiètes. Durant tous les voyages royaux on procède à des vérifications afin d’éliminer les parasites qui s’infiltrent dans la maisonnée en se faisant passer pour des serviteurs dans l’intention de voler de la nourriture et des babioles. Mais ce soir, il paraît que les papiers de tout le monde sont examinés de très près et que toute personne non officiellement autorisée à se trouver dans le camp est interrogée, et pas seulement chassée. » Il me regarda sans ciller. « Que se passe-t-il, cher ami ? »
Cherchait-il à me faire parler ? Pourtant, il avait l’air réellement perplexe.
« Je n’en sais rien, Craike.
— La fouille que m’a fait subir Maleverer le jour où je t’ai trouvé a été une expérience effrayante.
— Mais tu n’as rien à craindre. Il t’a laissé partir. T’aurait-il à nouveau interrogé ?
— Non. Mais… J’avais parlé à Oldroyd… Sans doute davantage que n’importe qui à Sainte-Marie. » Il soupira. « J’avoue que lorsqu’on m’a envoyé à York avant le cortège pour m’occuper du logement, vu ce qu’on racontait sur le comportement des Yorkais, qualifiés de rebelles sauvages, je me faisais un peu de souci. Et, en effet, ils se sont montrés réservés et très froids. Or, maître Oldroyd paraissait content de bavarder. C’était juste un visage avenant, rien d’autre. » Il prit une profonde inspiration. « Mais je crains que d’aucuns ne tentent de tirer d’autres conclusions. Tu as dû t’apercevoir qu’en dépit du cérémonial, tout le monde ici, Yorkais et Sudistes, marche sur des œufs. Ça me rend nerveux. »
Tu ne dis pas tout, pensai-je, je le sens… Je me rappelai ce que m’avait raconté Barak, comment il l’avait vu entrer tard le soir dans une taverne située dans un quartier miséreux de la ville.
« Je comprends que tu as dû te sentir seul à ton arrivée, dis-je.
— En effet. Maître Oldroyd était quelqu’un à qui parler.
— Tu seras soulagé quand tout sera terminé, j’imagine. Tu seras content de retrouver ta famille à Londres. Tu as sept enfants, n’est-ce pas ?
— Oui. Tous vivants et en bonne santé, grâce à
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