Sang Royal
se reposer à l’étage, dans les appartements royaux. Je me rappelai les ouvriers peinant à monter l’immense matelas du roi.
Maleverer était assis à sa table de travail, vêtu d’un pourpoint de soie rouge, la chaîne emblématique de sa fonction autour du cou. Il nous fit signe d’approcher, puis nous fixa du regard.
« Eh bien, monsieur l’avocat, je vous avais annoncé que le Conseil privé enverrait quelqu’un pour vous parler », déclara-t-il, un sourire sardonique sur les lèvres, tandis que des pas se faisaient entendre dans le couloir. « Cela vous intéressera sans doute d’apprendre le nom de la personne dépêchée par le Conseil privé. »
Je restai coi. Un coup impérieux fut frappé à la porte. Maleverer se leva et, juste avant qu’il fasse un profond salut, sa mine de grande brute céda la place à un masque de courtisan mielleux. Drapé dans une robe de velours vert sombre, doublée de fourrure de castor, sir Richard Rich entra dans la pièce.
« Sir Richard, c’est un grand honneur. Prenez mon fauteuil, je vous prie.
— Merci, sir William », répondit Rich d’un ton doucereux en s’asseyant. Maleverer se tenait dans une attitude respectueuse à côté de lui. Rich me regarda, ses traits pâles contractés en un sourire grimaçant.
« Messire Shardlake, mon confrère juriste… Je vous ai vu à York, l’autre soir… Je connais messire Shardlake, sir William.
— Il nous cause énormément d’ennuis, dit Maleverer.
— À qui le dites-vous ! » Les froids yeux gris de Rich scrutèrent mon visage. « Nous avons eu plusieurs… rendez-vous… l’année dernière, et un autre est prévu à la cour de la chancellerie.
— Vraiment ?
— Savez-vous, sir William, que le roi a fait au confrère Shardlake l’honneur de lui parler cet après-midi. Ou, en tout cas, de parler de lui.
— J’ai cru comprendre que quelque chose s’était passé.
— Tous les clercs en parlent. Le confrère Shardlake avait été chargé de présenter à Sa Majesté les plaintes et les doléances des solliciteurs yorkais, à Fulford Cross, en compagnie d’un avocat de la ville…
— Le vieux Wrenne.
— Est-ce là son nom ? Vous auriez dû voir le confrère Shardlake et le dénommé Wrenne devant le roi ! Wrenne est un vieux type de belle stature, et de loin on eût dit un fier retraité accompagné de sa vieille bonne femme pliée en deux. » Il pouffa de rire. « Le roi a déclaré que le Nord produisait de beaux gaillards, plus beaux que certaines créatures engendrées par le Sud. »
Maleverer me regarda et sourit. « Sa Majesté connaît la valeur du bon mot placé à propos. Cette saillie a dû ravir les Yorkais.
— En effet. Ça les a fait beaucoup rire.
— Vous voyez, messire Shardlake, vous avez un peu aidé le roi à soumettre le Nord à sa volonté, ricana Maleverer méchamment.
— Alors, j’en suis fort aise, répondis-je, m’efforçant de maîtriser ma voix.
— Excellente repartie, n’est-ce pas, sir Richard ? » s’esclaffa-t-il.
Rich poussa un petit grognement. « Réponse ironique, dirais-je, vu le caractère de notre ami. » Il joignit le bout des doigts et se pencha en avant. « Toutefois, à présent, nous avons d’autres affaires à régler. Messire Shardlake, vous étiez en possession d’un lot de documents découverts dans une cachette… Des documents d’une importance dont vous n’avez pas idée. Et vous vous les êtes laissé dérober. Sir William m’a mis au courant des événements, mais je veux entendre le récit de votre bouche.
— Fort bien, sir Richard. »
Je lui racontai notre visite chez Oldroyd, la découverte du panneau secret dans la paroi puis des papiers, et la manière dont j’avais été assommé. Rich fronça fortement les sourcils quand je lui expliquai la façon dont Barak avait essayé d’ouvrir le coffret.
« Vous n’en aviez pas le droit. Vous aviez le devoir d’attendre l’arrivée de sir William.
— Je suis désolé, sir Richard.
— Moi aussi », dit Barak.
Rich émit un grognement, puis se tourna vers Barak. « Vous croyez toujours pouvoir agir à votre guise, maraud, comme si lord Cromwell était toujours parmi nous. Or, il n’est plus de ce monde. Vous êtes deux nigauds qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas. » Il s’abîma dans ses pensées quelques instants. « Qui vous a vus apporter le coffret au Manoir du roi ?
— Quand nous y sommes entrés, lady
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