Sang Royal
risque d’être malaisée.
— Je me débrouillerai. » Je me tus un instant. « Avez-vous revu Broderick ?
— Oui. Il a évacué tout résidu du poison, quelle qu’en soit la nature. Il est jeune et robuste, malgré les mauvais traitements subis. »
Je hochai la tête, désappointé que le médecin ne donne jamais un diagnostic précis. Madge réapparut avec les clefs et je dis adieu à Jibson. Je remontai l’escalier sur les talons de la gouvernante, qui me conduisit jusqu’à un couloir situé derrière la chambre de Wrenne.
« Rares sont ceux que le maître laisse entrer ici, affirma-t-elle en me regardant d’un air méfiant. Vous ne dérangez pas ses livres et ses papiers, hein ? Il aime que tout soit en ordre.
— Non. C’est promis. »
Elle déverrouilla une solide porte et me fit entrer dans une grande pièce où régnait une odeur de poussière et de souris. Il s’agissait en fait de la chambre principale de la maison, et on avait abattu la moitié du mur qui la séparait du local contigu. Du sol au plafond, les murs des deux pièces étaient recouverts d’étagères débordant de livres et de documents, parchemins roulés et piles de manuscrits. Je jetai un coup d’œil stupéfait à l’entour.
« Je n’avais aucune idée de l’importance de sa collection, dis-je. Il doit y avoir des centaines de volumes, sans compter le reste.
— Oui. Le maître a commencé à les réunir il y a près de cinquante ans. » La vieille femme parcourut du regard toute la bibliothèque et secoua la tête, comme si Wrenne se livrait à une occupation déraisonnable.
« Y a-t-il un fichier ?
— Non. D’après lui, il garde tout dans sa tête. »
J’aperçus un petit dessin représentant les quatre points cardinaux accroché au mur. Comme Wrenne l’avait annoncé, des feuilles roulées s’entassaient sur la troisième étagère contre le mur sud.
« Je vais vous laisser, monsieur, dit Madge. Il faut que je prépare la poudre prescrite par le médecin pour soulager la douleur du maître.
— Cela veut donc dire qu’il a mal ?
— La plupart du temps.
— Il le cache bien.
— Ça c’est vrai ! » Elle fit une révérence et s’éclipsa.
Resté seul, je parcourus les étagères du regard. Quand je fouillai dans les cartes mon étonnement ne fit que croître. La collection qu’il avait accumulée était fascinante, stupéfiante. Je déroulai d’anciennes cartes de l’intérieur des terres et de la côte du Yorkshire, enluminées par des scribes de monastères et sur lesquelles figuraient des sanctuaires et des lieux de pèlerinage où des miracles s’étaient accomplis. Il y en avait aussi d’autres comtés, et parmi celles-ci je découvris une grande carte du Kent vieille de deux siècles environ. Si elle était quelque peu imprécise, un grand nombre de noms de lieux y étaient inscrits.
Un bureau se trouvait près de la fenêtre donnant sur la cathédrale. Je m’y installai et étudiai le document. Je repérai Ashford et ensuite, vers le sud-ouest, le nom de Braybourne. À l’ouest, je vis le Leacon d’où le jeune sergent était originaire. Je me frottai le menton. Par conséquent, un homme appelé Blaybourne ou Braybourne était peut-être venu du Kent au siècle dernier et avait laissé à York une confession qui préoccupait les rois. Mais en quoi cela m’avançait-il ? Apparemment j’avais espéré que la carte me fournirait une clef, une piste, mais je devais me contenter de ce nom, celui d’un trou perdu.
Je remis la carte sur l’étagère et avançai le long des rayonnages, étonné par la variété et l’ancienneté des livres et des documents : biographies, traités d’histoire, manuels de médecine et d’horticulture, ouvrages sur les arts décoratifs, en anglais, en latin, et en anglo-normand. Je m’étonnai de ne voir aucun ouvrage de droit, mais quand j’entrai dans la seconde pièce, je découvris que plusieurs étagères en étaient pleines : œuvres classiques comme celle de Bracton, annuaires et vieux registres de minutes de procès, ainsi que des recueils entiers de textes de loi. Certaines années manquaient à Lincoln’s Inn ; il y avait beaucoup de lacunes dans les dossiers juridiques de la bibliothèque de mon école de droit.
Je m’équipai de plusieurs annuaires et retournai m’installer au bureau. Il s’agissait bien d’anciens comptes rendus de procès qui avaient disparu. Oublieux du temps, je restai à lire ces
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