Sang Royal
et, un peu derrière lui, Culpeper. Celui-ci croisa mon regard et, sans un mot, quitta le groupe et disparut dans une rue adjacente. Dereham s’en aperçut et me dévisagea en fronçant les sourcils. Je saisis alors le bras de Wrenne, dans l’intention de lui faire vivement dépasser le groupe, mais une voix m’interpella. « Holà ! Vous, l’avocat bossu ! »
Deux ou trois courtisans ricanèrent. Je me retournai lentement… Dereham s’était détaché du groupe et se dirigeait vers moi, les mains sur les hanches, roulant les épaules. Il s’arrêta et me fit signe d’approcher. À contrecœur, je m’avançai vers lui. Il me toisa d’un œil glacial.
« Encore vous ! Vu la façon dont vous vous êtes ridiculisé à Fulford, je suis surpris que vous osiez montrer votre trogne en ville.
— Avez-vous à vous entretenir avec moi, monsieur ? m’enquis-je.
— Qu’avez-vous fait à messire Culpeper, monsieur l’avocat, pour que votre vue le fasse fuir ? interrogea-t-il à voix basse.
— Qui est messire Culpeper ? » demandai-je calmement alors que mon cœur cognait dans ma poitrine.
Il plissa les yeux. « Et qui sortait de la tente de la reine à Holme ? Vous, monsieur, ainsi qu’une femme et un jeune homme. Prenez garde à qui vous avez affaire, monsieur ! »
Je n’avais pas remarqué sa présence, alors. « Nous répondions à une convocation officielle, répondis-je.
— Tiens, tiens ! »
Je le regardai droit dans les yeux. Malgré ses beaux atours, cet individu n’était qu’un jeune freluquet. Bien qu’il fût le secrétaire de la reine, celle-ci n’aurait sûrement pas apprécié qu’il me pose ce genre de questions. Cela m’ennuyait qu’il établisse un lien entre Culpeper, la reine et moi. Il me fixa longuement, avant de tourner les talons. Je poussai un soupir de soulagement en revenant vers l’endroit où j’avais laissé Wrenne.
« Venez ! » lançai-je, avant de murmurer à mi-voix : « Oh non ! » Je venais d’apercevoir sir Richard Rich qui avançait dans la rue, escorté par une petite troupe de serviteurs armés. D’un geste impérieux, il me fit signe d’approcher. Je fus soudain furieux contre ces gens qui pouvaient me faire aller et venir d’un simple geste de la main. Quelles insultes me réservait-il, lui ?
Il arborait son petit sourire glacial. « Messire Shardlake. Vous avez tant de fers au feu ! Qu’avez-vous à faire avec le secrétaire de la reine ?
— Rien d’important, sir Richard. Il a seulement désiré me rappeler l’épisode de Fulford. »
Le sourire de Rich s’élargit. « Ah oui ! Cette histoire… » Puis ses traits se durcirent et se figèrent. « Il y a un fer que je souhaite toujours vous voir retirer du feu.
— Le dossier Bealknap ?
— Exactement, répondit-il en fixant sur moi ses yeux gris et froids. Ce sera ma dernière demande courtoise.
— Je refuse, sir Richard », rétorquai-je.
Il serra la mâchoire, puis prit une profonde inspiration. « Très bien, je vous donne cinquante livres pour conseiller au Guildhall de Londres de laisser tomber l’affaire. Je sais que vous avez besoin d’argent. La succession de votre père…
— Je refuse, sir Richard.
— Fort bien. » Il hocha la tête deux fois avant de faire un nouveau sourire. « Dans ce cas, votre vie risque de ne pas tarder à prendre un sale tour.
— Me menacez-vous d’action violente, monsieur ? » demandai-je avec impudence.
Son sourire cruel et supérieur me rappela celui dont m’avait gratifié Maleverer. « Je ne vous menace pas de violences. Je possède d’autres moyens.
— Vous pouvez persuader des clients de me quitter, comme vous l’avez déjà fait ?
— Non. Pas ça ! Vous connaissez les pouvoirs dont je dispose, messire Shardlake. Je ne parle pas à la légère… Bon. Allez-vous laisser tomber le dossier Bealknap ?
— Non, sir Richard.
— Très bien. » Il hocha la tête, sourit à nouveau, puis s’éloigna.
Ce soir-là, Wrenne et moi bûmes un verre de vin ensemble. Tamasin était venue rendre visite à Barak et je m’étais éclipsé. On entendait de faibles gémissements et des coups sourds de l’autre côté de la paroi. Wrenne sourit. « Ce qu’ils sont en train de faire doit être considéré comme un péché, me semble-t-il, et, en tant que patron vous devriez le signaler à Barak. »
J’éclatai de rire. « Alors, il faut que je m’apprête à entendre une belle
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