Sang Royal
Shardlake. »
Wrenne et Barak sortirent et Maleverer se jeta sur le siège de Barak, qui émit un craquement sonore. Il me gratifia de son sourire triste.
« Vous aviez raison à propos de Broderick, déclara-t-il de but en blanc.
— Dans quel sens ?
— Il était très faible. Je m’en suis aperçu dès qu’on l’a amené. J’avais fait préparer une pièce de la prison : le chevalet dans un coin et des fers en train de chauffer dans le feu, afin qu’il puisse voir ce qui l’attendait. » Il avait l’air de décrire les préparatifs d’un repas. « Radwinter s’est fait un plaisir de l’amener. Or, Broderick a à peine jeté un coup d’œil sur les instruments, et lorsque je lui ai annoncé qu’il tâterait de leur morsure et de leur brûlure s’il refusait de parler, il m’a simplement prié d’en finir au plus vite. Il ne manque pas de courage. » Il serra les lèvres. « Je suis donc passé à l’acte, et, afin que les gardiens n’entendent pas ce qu’il pourrait révéler, je les ai fait sortir. C’est donc Radwinter et moi qui avons serré les roues. Broderick est resté silencieux pendant une bonne minute, puis il a poussé un hurlement, avant de s’évanouir. Il avait perdu totalement connaissance. » Maleverer secoua la tête. « Il nous a fallu plusieurs minutes pour le ranimer. J’étais ennuyé et Radwinter, soudain pris de panique, m’a dit qu’on devrait arrêter.
— Un prisonnier est jadis mort des soins qu’il lui avait prodigués. L’archevêque Cranmer en a été fort mécontent.
— Si Broderick mourait avant de parler alors qu’il est sous ma garde, le roi me châtierait durement. De quoi souffre-t-il, à votre avis ? demanda-t-il en plongeant son regard dans le mien.
— D’affaiblissement, d’épuisement, conséquence de son emprisonnement, de son empoisonnement, et du séjour dans cette voiture durant plusieurs jours.
— Vous étiez censé vous assurer qu’il reste en bonne santé.
— J’ai fait de mon mieux.
— Eh bien, dorénavant, je m’occuperai de lui personnellement, afin qu’il arrive à la Tour en possession de tous ses moyens. Je vais l’engraisser. Radwinter n’osera pas s’opposer à moi. Votre mission dans ce domaine prend fin séance tenante.
— L’archevêque Cranmer…
— Je tiens mes ordres du Conseil privé.
— Je vois. » Très bien. Ma mission s’achevait. Je pouvais me laver les mains de Broderick. Tel Ponce Pilate.
— Sir William, m’enquis-je, savez-vous combien de temps nous allons rester à Hull ? »
Il désigna la fenêtre du menton. « Un bateau attend, et, outre Broderick, plusieurs dignitaires ont besoin de rentrer à Londres plus vite que leur monture ne peut les y conduire. Toutefois, nous devons patienter jusqu’à ce que le temps s’améliore, car la pluie ralentira notre cheminement par la route, surtout si Broderick est transporté en voiture. » Il foudroya du regard les vitres sur lesquelles tambourinait la pluie.
« Puis-je quand même rentrer à bord du bateau ? » Maintenant que mon rôle d’accompagnateur était terminé, il n’y avait aucune raison que je regagne Londres le plus vite possible, mais j’avais une envie folle de me retrouver chez moi. Je devais également penser à Giles et à Barak. Persuadé qu’il refuserait, je fus surpris qu’il opine du chef.
« Certes.
— Monsieur, lorsque nous lèverons l’ancre, messire Wrenne pourrait-il nous accompagner ? » J’hésitai, me rappelant une autre promesse. « Ainsi que la jeune Reedbourne ? »
Il haussa les épaules. « Peu me chaut. Renseignez-vous au bureau du chambellan si vous le souhaitez. Il reste des places à bord mais les agents officiels demanderont à être payés.
— Merci.
— Ne me remerciez pas jusqu’à ce que vous soyez arrivé sain et sauf à Londres », dit-il. Sur ce, il quitta la pièce, l’air quelque peu mystérieux et moqueur. L’expression de son visage produisit en moi un certain malaise.
37.
LE MAUVAIS TEMPS CONTINUA À SÉVIR. Il pleuvait souvent à verse, et même lorsque la pluie cessait, des nuages sillonnaient le ciel, poussés par un fort vent soufflant toujours du sud-est. Aucun bateau ne pouvait lever l’ancre. On disait que le roi inspectait les laisses de vase sur l’autre rive de la Hull – visite en relation avec ses plans de fortification de la ville. Lui aussi devait être trempé et fouetté par le vent. Il ne peut commander aux
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