Sang Royal
l’existence du coffret contenant des documents susceptibles de nuire au roi. Il lui a enjoint de le trouver, quitte à tuer quiconque la gênerait dans son entreprise. Il a reconnu lui avoir ordonné de détruire le contenu du coffret dès qu’elle l’aurait entre les mains, et non de le ramener à Londres pour le remettre à l’un des conjurés, contrairement aux ordres qu’il avait reçus, en cas d’échec du soulèvement nordiste. Il lui a déclaré s’être repenti, mais il a admis à la Tour que c’était pour sauver sa peau.
— Je vois, dis-je d’un ton neutre.
— Parmi les papiers il y avait, semble-t-il, une lettre contenant la description physique de Locke et qui autorisait Oldroyd à lui remettre les documents s’il se présentait en personne. Uniquement à Locke, pas à une femme. C’est la raison pour laquelle Jennet Marlin a dû tuer Oldroyd pour s’emparer du coffret, et voilà pourquoi le coffret incriminait Locke.
— A-t-il… » La question resta quelques instants coincée dans ma gorge tandis que je réfléchissais à la façon dont on avait obtenu ces aveux. « A-t-il donné les noms d’autres conjurés ?
— Non. Ces salauds ont été très malins. Je vous ai déjà décrit l’excellente manière dont ils étaient organisés, c’est-à-dire en cellules, chacun ne connaissant qu’un strict minimum de noms. Et Locke ignorait aussi le contenu du coffret, à part la lettre. Il savait seulement qu’il s’agissait de documents importants. Son contact à Londres était l’un des rebelles, qui a réussi à s’enfuir. Il se trouve probablement en Écosse aujourd’hui pour aider le roi Jacques à nous préparer des ennuis. Locke était censé remettre le coffret à un autre comparse, un confrère avocat qui devait se faire reconnaître par lui.
— Appartenant à Gray’s Inn ?
— Il ne connaissait pas son identité, et je crois qu’il dit la vérité. » Il serra fortement les lèvres. « Mais nous le démasquerons, quitte à amener à la Tour tous les avocats originaires du Nord, sans exception. » Le neveu de Wrenne, pensai-je avec angoisse.
« Comment a réagi Bernard Locke en apprenant la mort de Jennet Marlin ? » demandai-je d’un ton égal.
Il haussa les épaules. « D’abord, il n’y a pas cru, jusqu’à ce que le gouverneur de la Tour agite devant ses yeux la bague de fiançailles que j’avais extirpée du doigt de sa promise, avant de l’envoyer à Londres.
— A-t-il montré du chagrin ?
— Je n’en sais rien. Qu’est-ce que ça peut faire ? » Il s’approcha, me toisant de toute sa hauteur. Il était si près de moi que je sentais son haleine fétide. « Vous garderez ça pour vous, compris ? Vous avez travaillé pour lord Cromwell. Vous connaissez la valeur du silence et ce qu’il en coûte de le rompre.
— Comptez sur moi. » S’il ce n’était déjà fait, Martin Dakin devrait affronter bien des ennuis, pensai-je. Garden Court serait mis sens dessus dessous.
Arborant son sourire à la fois glacial et moqueur, Maleverer me scrutait du regard. « Au fait, une autre de vos connaissances sera aussi à bord : sir Richard Rich.
— Il n’est pas reparti avec le cortège ?
— Non, il a réservé une place sur le bateau. Il souhaite rentrer à Londres le plus vite possible…
— Avez-vous renoncé à plaider contre lui ? ajouta-t-il en souriant à nouveau.
— Non, sir William.
— J’espère que vous savez à quoi vous vous exposez », conclut-il sans cesser de sourire.
Nous fûmes sur les quais de bonne heure. C’était le premier jour de grand beau temps depuis notre arrivée à Hull. La mer était calme et les oiseaux marins tourbillonnaient dans les airs en poussant des cris. Notre bateau, une caravelle de soixante-dix pieds, dotée de grandes voiles carrées pour voguer à grande vitesse, dominait le port. L’énorme poupe s’élevait vingt pieds au-dessus de la ligne de flottaison. Son nom, The Dauntless – « L’Intrépide » –, s’étalait en lettres blanches sur son flanc. Des sabords condamnés indiquaient qu’on avait affaire à un ancien vaisseau de guerre. Les ponts inférieurs avaient dû être divisés en cabines confortablement équipées, car je devinais à leurs riches vêtements que la demi-douzaine de personnages qui attendaient de monter à bord, chacun accompagné d’un valet, étaient de hauts dignitaires. Rich, en pleine discussion avec Maleverer, se trouvait
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