Sang Royal
est-ce que vous êtes entrés dans cette maison ? demanda-t-il avec colère. Parce que mon ami Peter Oldroyd est mort, les sbires du roi se croient autorisés à mettre sa maison sens dessus dessous et à malmener ses serviteurs ? La malheureuse mère Byland est terrorisée.
— Je suis un avocat envoyé par Sainte-Marie. Nous voulions simplement vérifier que la maison était en ordre. » Explication peu convaincante, même à mes propres oreilles.
« Vermine de bossu ! » cria un apprenti. L’insulte fut saluée par des murmures d’approbation. Barak posa la main sur la poignée de son épée, mais je secouai la tête. Si la foule devenait violente, on risquait d’avoir des ennuis. Je regardai de côté et d’autre de la rue, dans l’espoir d’apercevoir un garde ou un sergent, mais il n’y en avait aucun.
« Écoutez, s’il vous plaît, dis-je en levant la main. Je regrette les dommages causés, mais ils ne sont pas de mon fait. Je suis désolé si nous avons effrayé cette bonne dame. Mais on effectue une enquête sur les affaires de maître Oldroyd…
— Quelle enquête ? demanda le verrier. Peter était un brave homme qui n’a jamais fait de mal à personne.
— Je ne peux en dire plus. Laissez-nous passer, maintenant. »
Le verrier serra plus fermement son gourdin. « Où sont tes documents, espèce de monstre de foire ? Tous les envoyés du roi possèdent des documents !
— C’est peut-être des voleurs ! » lança une voix.
Je parcourus du regard la foule hostile, comptant sur la présence de maître Dike, le verrier que j’avais rencontré la veille. Il pourrait au moins confirmer que je menais l’enquête au nom du roi… Mais il n’était pas là.
Je pris une profonde inspiration. « Laissez-nous passer », répétai-je sèchement en faisant un pas en avant. Ni le verrier ni le reste de la foule ne bougèrent d’un iota. La situation était donc critique. Puis une pierre lancée par quelqu’un du fond de la foule frappa douloureusement le bras qui retenait le coffret sous mon manteau. Mon bras tressaillit et le coffret tomba sur le sol avec un grand bruit.
« Des voleurs ! s’écria quelqu’un. Ce sont bien des voleurs ! » Une seconde pierre heurta Barak à l’épaule, et soudain la foule déferla sur nous, nous acculant contre le mur de la maison. Le verrier leva son gourdin. Je bandai tous mes muscles, prêt à recevoir le coup.
11.
« ARRÊTEZ ! »
L’ordre avait été hurlé par une voix grave que je reconnus. Le verrier abaissa son gourdin. Derrière lui se dressait la haute tête de Giles Wrenne, lequel se frayait un passage à travers la foule.
« Cher monsieur, je n’ai jamais été aussi ravi de revoir quelqu’un ! » m’écriai-je.
Le vieil homme se plaça entre nous et la foule. Vêtu d’une robe à parements de fourrure, la plus belle de sa garde-robe sans doute, et coiffé d’une toque noire ornée d’une plume rouge, il avait un air fort imposant.
« Que se passe-t-il, maître Pickering ? demanda-t-il sèchement au verrier. Que faites-vous donc ?
— Ces hommes sont entrés chez Peter Oldroyd, m’sieu ! Le bossu raconte qu’il est avocat, mais moi j’dis que ce sont des ladrons… Il l’avait caché sous son manteau », ajouta-t-il en désignant le coffret peint gisant à mes pieds.
Wrenne, sourcils froncés, contempla le coffret d’un air perplexe, puis planta sur moi un regard perçant.
« Nous agissons au nom du roi, monsieur », expliquai-je en rougissant.
Wrenne se redressa de toute sa hauteur et apostropha la foule. « Ici à Stonegate, vous me connaissez tous ! Je me porte garant de l’intégrité de cet homme. C’est un avocat chargé de m’aider à préparer la présentation des requêtes adressées au roi. Je vais m’occuper de cette affaire. »
La foule marmonna, mais elle avait perdu son agressivité. Une expression d’inquiétude apparaissait sur les visages de ceux qui comprenaient qu’ils avaient manqué s’en prendre à un agent de la couronne. Les apprentis coupables des jets de pierres s’éloignaient, penauds. Barak les foudroyait du regard en se frottant l’épaule. « Sales petits vauriens ! » marmonna-t-il.
Wrenne posa la main sur l’épaule de Pickering. « Allons, l’ami, retournez à votre atelier, si vous ne voulez pas perdre des clients.
— Que nous reste-t-il comme clients, maintenant qu’y a plus aucun établissement religieux ? répliqua le
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