Sarah
de cèdre. Puis, sans explication, il s’inclina sur les entrailles
restantes et commença son auscultation.
Un soupir de soulagement parcourut
l’audience et chacun se prépara à la longue attente de l’extispicine.
Saraï s’arma de courage et de patience.
Cela pouvait durer plusieurs heures de clepsydre. Un devin pouvait commencer
l’analyse de l’oracle au milieu du jour pour ne l’achever qu’au crépuscule.
Chaque partie du foie nécessitait un examen difficile. Le barù les
frôlait, les frottait, les tranchait. Il comptait les kystes, les fissures, les
pustules, en vérifiait l’emplacement, le sens, l’importance dans ses tablettes
et sur le foie en terre cuite. Il arrivait aussi qu’il écrive ses observations
sur des tablettes fraîches.
Cette fois pourtant ce ne fut pas long. Une
heure au plus. Le devin redressa son corps fragile. Il lava ses mains
sanglantes et les essuya avec soin. Ichbi Sum-Usur se raidit. Saraï l’entendit
respirer plus fort. Son propre cœur battit plus vite. L’inquiétude à nouveau
lui poinçonnait les reins.
Sans un regard pour elle, le barù revint
se camper devant son père.
— L’extispicine est close, Ichbi
Sum-Usur. Comme tu l’as vu, ton bisaïeul refuse son oracle. Pour les autres, il
en va ainsi : deux foies, une élévation sur la gauche de la rate. Un
foie : une perforation. Un foie : une croix sur le Doigt. Un
foie : deux fissures à la Base du trône. Un foie sans fissure. Pour le
reste, je te donnerai demain les tablettes où tout sera confirmé. L’oracle est
favorable à ta fille. Épouse bonne et même volontaire. Épouse fidèle, bien que
ce ne soit pas dans son caractère. Pour la fécondité : deux enfants. Des
garçons sont possibles.
Saraï entendit tout à la fois le rire de
son père et les exclamations des parents dans son dos. Mais avant qu’elle ne
comprenne si l’oracle était bon ou mauvais pour elle, selon son goût à elle,
son père leva une main.
— Barù, pourquoi le père du père de mon père refuse-t-il son oracle ?
Le barù posa son regard sur Saraï.
— Ton bisaïeul se refuse à répondre à
ta question, Ichbi Sum-Usur.
— Pourquoi, s’exclama Ichbi Sum-Usur
d’une voix blanche. Ai-je fait un mauvais choix ?
Le devin hocha la tête.
— La question était : Saraï
sera-t-elle une épouse bonne, féconde et fidèle ? Il ne s’agit pas de ton
choix, mais de ta fille, Ichbi Sum-Usur. Ton ancêtre dit : Je ne veux pas
me mêler de ces épousailles.
Un pesant silence s’ensuivit. Le cœur de
Saraï battait la chamade. À son côté, Kiddin serrait ses mains nerveusement.
— Je ne comprends pas, dit son père.
Dois-je refuser ma fille à celui qui la veut pour épouse ?
— Non. Deux foies et deux ancêtres,
cela suffit. L’oracle demeure. Cependant, tu es un bon client, je t’offre
gratuitement ce savoir, que je ne consignerai pas dans la tablette. Le père du
père de ton père dit : Ta fille plaît à Ishtar. Elle peut être une épouse
sans époux. Elle est de celles qui provoquent les violences. Cela peut être
néfaste aussi bien que glorieux. Les dieux décideront de son sort : reine
ou esclave. Néanmoins, pour ta famille comme pour celle de celui qui la prend
pour épouse : qu’elle obtienne ses enfants sans tarder.
*
* *
— Reine ou esclave !
— Mais aussi féconde et fidèle,
approuva Sililli sans paraître impressionnée ou inquiète. C’est le plus
important. Ton père doit être soulagé ! Moi, je le suis. Et tu vois, je
t’ai dit la vérité. Il ne pouvait pas changer d’avis.
Saraï s’abstint de répondre. Elles se
trouvaient dans sa nouvelle chambre et Sililli, avec le plus grand soin, lui lavait
les cheveux, les enduisait d’un parfum huileux avant de les rassembler en une
dizaine de nattes.
— Demain, assura encore Sililli, tu
seras une reine. Cela aussi je le sais. Aussi bien qu’un barù.
Son long peigne en corne de bélier à la
main, elle se pencha pour juger la rectitude de la raie qu’elle venait de
tracer. Saraï resta encore un instant silencieuse avant de demander :
— Crois-tu que les barù disent
toujours la vérité ? Sililli prit son temps avant de répondre.
— Il leur arrive de se tromper. Il
arrive aussi que les dieux changent d’avis. Mais lorsqu’un devin est sûr de son
fait, il l’inscrit sur une tablette. Ce qu’il n’inscrit pas dans l’argile, on
ne l’écoute que d’une oreille. Moi aussi je peux
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