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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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Abram avait raison. La nuit alentour ne l’effrayait
plus.
    Brutalement, elle sentit le bonheur la
gagner, l’envahir, apaisant tout, ses pensées et son corps depuis l’extrémité
de ses mèches jusqu’à ses orteils. Elle avait chaud, le rire était dans sa
poitrine sans avoir besoin de franchir ses lèvres. Les flammes dansaient pour
elle, le temps de la nuit était immobile, et ce garçon qu’elle ne connaissait
pas quand le soleil brillait encore, Abram, si près qu’elle aurait pu effleurer
son épaule, allait la protéger de tout. Elle le savait.
    Alors ils débordèrent de mots, de questions
et de réponses. Abram parla de ses deux frères, Harân, l’aîné, et Nahor. De son
père qui moulait dans l’argile des statues d’ancêtres pour les gens comme Ichbi
Sum-Usur. Les têtes qui sortaient de ses mains semblaient capables de parler.
    Saraï voulut savoir s’il ne regrettait pas
de vivre sous une tente. Il expliqua que le clan dont son père, Terah, était le
chef, élevait de grands troupeaux pour un Puissant d’Ur. Ainsi tous les deux
ans, quand sonnait l’heure des impôts royaux, ils accompagnaient les bêtes à
Larsa, où elles étaient comptabilisées par les fonctionnaires de Shu-Sin.
    — Après quoi on revient avec seulement
quelques têtes et on fait croître un nouveau troupeau. Un jour, mon père
gagnera assez avec ses statues, et nous n’aurons plus besoin de nous occuper
d’élevage.
    Lui aussi la questionna. Saraï raconta la
vie dans le palais. Elle parla de Sililli, de Kiddin, de ses sœurs, et, pour la
première fois depuis longtemps, du souvenir ténu et douloureux qu’elle avait de
sa mère, morte à la naissance de Lillu. Emportée par l’élan de ses confidences,
elle évoqua même la chambre rouge et le présage étrange du barù. Reine
ou esclave…
    Abram savait écouter, attentif et sans
impatience.
    Ils parlèrent si longtemps que le feu
manqua de bois et la lune traversa plus de la moitié du ciel noir. Saraï dit
que chez elle on redoutait que Dame la Lune, une nuit, disparaisse pour
toujours. Et que les dieux, par colère, retiennent le soleil. Il ferait alors
un froid effroyable.
    — Sous une tente, ajouta-t-elle, ce
serait encore plus terrible que dans une maison.
    Abram secoua la tête en tisonnant les
braises et répondit qu’il ne croyait à rien de cela. Il n’y avait pas de raison
que la lune et le soleil disparaissent.
    — Pourquoi en es-tu si sûr ?
s’étonna Saraï.
    — Personne ne se souvient que ce soit
jamais arrivé. Pourquoi ce qui n’est encore jamais arrivé depuis la naissance
du monde arriverait-il un jour ?
    Et il ajouta :
    — Dormir sous une tente n’empêche pas
de réfléchir et d’apprendre en regardant autour de soi.
    Pour la première fois, Saraï entendit son
ton raisonneur et vibrant d’orgueil. Cependant, pour adoucir sa remarque, il
précisa qu’il ne savait pas inscrire et lire les mots dans la glaise comme les
Puissants d’Ur. Et que ceux-ci possédaient un savoir qu’il ignorait.
    Soudain, il tendit la main à Saraï.
    — Viens voir !
    Il contourna le feu. Tout ankylosée, Saraï
se précipita derrière lui, vaguement inquiète bien que la lune éclairât assez
pour qu’Abram ne disparût pas dans l’obscurité.
    Il s’immobilisa sur la crête de la dune.
Devant eux, comme suspendues entre l’obscurité de la terre et le ciel
fourmillant d’étoiles, des centaines de torches dessinaient une tiare dans la
nuit : la ziggurat. La ziggurat dont on éclairait chaque soir les immenses
escaliers et les plates-formes. Mais elle ne l’avait vu ainsi que des toits de
sa maison, et jamais de si loin. Là seulement on en comprenait le dessin
parfait, à la dimension inhumaine des dieux.
    — On peut traverser le fleuve, on peut
marcher loin dans la steppe, deux, trois jours de marche, et on la voit encore,
dit Abram.
    Il se tourna vers elle et saisit son visage
entre ses mains. Elles étaient douces et brûlantes. Saraï tressaillit, croyant
qu’il allait l’embrasser, se demandant si elle allait s’abandonner ou résister
à l’impudence du mar.Tu. Les mains d’Abram basculèrent lentement son
visage vers les étoiles qui nappaient la nuit.
    — Regarde les feux du ciel. Ils sont
plus extraordinaires que la ziggurat. Regarde leur nombre et vois comme ils
sont loin ! Crois-tu qu’un dieu vive dans chacun d’eux ?
    Comment pouvait-elle répondre à cette
question ? Elle resta silencieuse. Posa ses

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