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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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qu’il tourna
habilement entre ses paumes, il alluma un feu. La vue des flammes réchauffa
Saraï tout autant que la chaleur.
    Abram s’agita encore, disparaissant sans
cesse pour revenir avec de nouvelles brassées de roseaux et d’arbustes secs.
Quand il y en eut assez, il s’accroupit sans un mot.
    Maintenant, ils pouvaient se voir l’un
l’autre beaucoup mieux. Or, dès que leurs yeux se rencontraient, ils
détournaient le regard, embarrassés. Ils se turent longuement, se réchauffant
aux flammes dont s’échappaient des étincelles tourbillonnantes.
    Saraï jugea que le jeune mar.Tu avait
à peu près l’âge de Kiddin. Il devait être moins fort, sans doute plus habitué
aux longues courses qu’à la lutte, l’exercice préféré de son frère. Ses cheveux
aussi lui faisaient une silhouette bien différente, moins noble, moins
orgueilleuse, mais qui lui plaisait.
    Soudain, brisant la torpeur qui
engourdissait Saraï, rompue de fatigue et d’émotion, Abram se leva et
annonça :
    — Je vais aller aux tentes.
    Saraï se redressa d’un bond. Abram rit en
voyant son visage terrifié. Il attrapa son panier d’osier et secoua les
grenouilles.
    — Ne t’inquiète pas. Je veux seulement
aller chercher de quoi manger. J’ai faim, et peut-être que toi aussi. Ce n’est
pas ce que j’ai péché qui va nous nourrir.
    Comme Saraï se rasseyait, vexée d’avoir
montré sa peur, il sourit, moqueur.
    — Es-tu capable de mettre du bois dans
le feu ? Elle ne répondit que par un haussement d’épaules.
    — Parfait, dit-il.
    Il scruta le ciel un instant. La lune était
déjà là. Saraï remarqua que c’était chez lui un geste habituel que de lever le
visage vers le firmament, comme s’il cherchait les traces du soleil dans les
étoiles. Puis, en quelques pas, il disparut dans la nuit. Saraï ne perçut plus
que la brise dans les joncs, le clapotis du fleuve et, très loin, du côté de la
ville basse, l’aboiement des chiens.
    La peur revint l’assaillir. Le garçon
pouvait très bien l’abandonner. Le feu pouvait la désigner aux démons. Ses yeux
fouillèrent l’obscurité, comme si elle pouvait y découvrir une foule ricanante.
Puis son orgueil reprit le dessus. Elle eut honte d’elle-même. Elle devait
cesser d’avoir peur. Elle ne craignait que ce qu’elle ne connaissait pas. Cette
nuit, tout possédait l’absolue nouveauté de l’inconnu. La nuit, le feu, le
fleuve, le ciel au-dessus d’elle dans son infinité. Et même le nom de ce garçon mar.Tu, Abram.
    Quel nom bizarre ! Abram. Les syllabes
se lovaient dans sa bouche d’une manière qui lui plut.
    Précisément, Abram, lui, ne montrait aucune
crainte de la nuit. Il s’y déplaçait comme en plein jour. Il ne semblait même
pas redouter les démons.
    Peut-être était-ce cela, être un mar.Tu ?
    En vérité, chez ce garçon, tout lui
plaisait. Peut-être simplement parce qu’elle avait été effrayée d’être perdue
et seule dans la nuit. Ou parce qu’il ne ressemblait en rien à Kiddin. En rien
non plus à l’époux choisi par son père.
    Elle songea avec amusement aux visages
horrifiés qu’ils auraient eus, tous, en voyant Abram lui prendre la main sans
plus de cérémonie ! Un mar.Tu qui osait toucher une fille de
Puissant ! Quel sacrilège !
    Mais elle, elle n’avait pas même songé à
retirer sa main. Elle n’en avait éprouvé aucune honte, aucune répugnance. Même
son odeur, bien loin des parfums dont s’enduisaient les Puissants d’Ur, ne lui
répugnait pas.
    Qu’il fût un barbare de mar.Tu, en
vérité, cela aussi lui plaisait !
    Elle aurait aimé savoir ce qu’il pensait
d’elle. Bien qu’elle dût être horrible à voir. Quoi qu’il en soit, Abram n’en
avait rien laissé deviner. C’était peut-être là les manières des hommes-sans-ville. Son père, tout comme Sililli, prétendait que leurs sentiments étaient
frustes, obscurs, rusés. N’empêche, celui-là n’avait pas hésité à lui venir en
aide.
    À moins que Sililli et son père n’aient
raison et qu’elle ne le revoie plus.
    Elle s’en voulut de cette pensée. Elle
remit du bois dans le feu et s’astreignit à ne plus laisser son esprit divaguer.
    *
    * *
    Il la réveilla en laissant tomber à côté
d’elle deux peaux de mouton au long poil blanc et un grand sac de cuir.
    — Cela m’a pris un peu de temps parce
que je ne voulais pas que mes frères me voient, expliqua-t-il. Ils auraient
pensé que je voulais dormir

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