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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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retour de l’une de ces promenades
nocturnes, alors qu’une brume mélancolique et annonciatrice de la saison des
pluies se posait sur Ur, que Sililli confia enfin à Saraï le fond de son
tourment.
    — Tu assures qu’aucun démon ne t’a
rejointe dans la nuit que tu as passée seule au bord du fleuve. Mais les gardes
qui t’ont retrouvée assurent, eux, que tu dormais sur des peaux de mouton
neuves et qu’un grand feu s’était consumé à ton côté. Il y avait aussi des
traces de nourriture. Sans compter ce que nous avons tous constaté de nos
yeux : tu es revenue ici vêtue d’une robe alors que tu t’étais enfuie dans
une belle tunique. Une robe si grossière que je suis certaine qu’elle n’a jamais
été tissée à Ur. Même une esclave de cette maison n’en aurait pas voulu !
    Sililli ne la questionnait pas vraiment,
mais elle souffrait de ne pas connaître la vérité. À l’écouter, Saraï se rendit
compte qu’elle aussi souffrait de garder son secret pour elle seule. Alors,
d’une voix si basse que Sililli dut la prendre dans ses bras et plaquer son
oreille contre sa bouche pour entendre, elle raconta. Elle raconta Abram, sa
beauté, sa gentillesse, sa peau brune et fine, son odeur. Et la promesse qu’il
avait faite de pas oublier son visage.
    Quand elle se tut, elle sentit contre sa
joue la joue de Sililli, trempée de larmes. La servante finit par s’écarter et
secoua la tête en murmurant :
    — Un mar.Tu  ! Un mar.Tu  !
Un mar.Tu !
    Puis elles restèrent silencieuses l’une et
l’autre jusqu’à ce que Sililli presse Saraï contre sa poitrine bien ronde, si
fort que l’on eut cru qu’elle voulait l’y faire disparaître.
    — Oublie-le, oublie-le ou il fera ton
malheur plus que tu ne peux l’imaginer ! Oublie-le comme s’il était un démon,
ma Saraï !
    Elles eurent conscience en même temps de la
faute : Sililli venait de prononcer son nom. Elles rirent au milieu des
larmes. Emportée par son émotion, Sililli répéta :
    — Ma Saraï ! Ton père m’a promis
de me faire mourir par les scorpions si je ne lui obéissais pas. Mais c’est toi
que j’aime. C’est toi qui as besoin de moi pour oublier ce mar.Tu. Promets-moi
que nous n’en parlerons plus jamais.
    *
    * *
    Un matin, alors que Dame la Lune, pleine et
ronde, était encore visible dans le ciel de l’aube, le sang revint entre les
cuisses de Saraï. Pour la seconde fois elle entra dans la chambre rouge. Elle y
retrouva Égimé qui s’appliqua à ce que chacune des tantes et des servantes
présentes respecte à la lettre les volontés d’Ichbi Sum-Usur. Sept jours durant,
on eut soin de ne pas partager avec elle le bain des ablutions, de garder une
distance inhabituelle lorsqu’elle aidait au tissage et de ne s’adresser à elle
que de manière détournée.
    En outre, afin qu’elle eût pleinement
conscience des châtiments qui menaçaient les femmes indociles, les unes et les
autres racontèrent les tristes destins de celles qui ne s’étaient pas pliées
aux lois des dieux, des pères et des époux. Celles qui avaient profané leurs
devoirs d’épouse, absorbant des herbes de sécheresse pour ne pas enfanter, ou
au contraire enfantant après avoir accueilli entre leurs cuisses des hommes qui
n’auraient pas dû même effleurer leur chair, des étrangers, parfois, ou même
des démons. En vérité, la folie des désirs des femmes était immense, pareille à
un vent gelé et calcinant venu tout droit de l’enfer.
    — Oui, grinçait Égimé, les femmes, si
elles n’y prennent pas garde, sont leur propre ennemi. Le pire moment est la
jeunesse, lorsque l’on ne sait discerner les bons des mauvais rêves, ceux qui
font battre nos cœurs et mouillent nos sexes et nous emportent dans l’antre
d’Ereshkigal aussi sûrement qu’un soldat élamite viole et tue. Ea est grand qui
a conçu nos pères puis nos époux pour nous protéger de nos faiblesses.
    Saraï écoutait en silence, ne laissant rien
paraître.
    Ce qu’ignoraient Égimé et les autres,
c’était que la nuit, quand chacune dormait dans l’obscurité épaisse de la
chambre rouge, Saraï ne rêvait pas. Non, les pensées qui lui venaient, les
images qui flottaient dans l’obscurité ne possédaient pas la rouerie de
l’illusion mais, au contraire, le poids bien réel du souvenir : elle
songeait aux lèvres d’Abram qu’elle n’avait pas eu le courage d’embrasser.
    Elle songeait au baiser qu’elle n’avait ni
donné

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