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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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souvent s’y reposer et songer, parfois même y dormir lorsque les
nuits étaient trop chaudes.
    Mais personne n’était adossé au tronc
strié, plus vieux que bien des générations d’hommes. Abram n’était visible
nulle part.
    Saraï entra dans l’ombre du sycomore, posa
son panier et scruta encore le plateau. La brise y ployait l’herbe. Très loin
au nord et à l’est, les plateaux enneigés paraissaient aussi transparents que
des pétales dans le ciel bleu. D’ici, tout semblait immense et infini.
    Elle se laissa glisser sur les genoux puis
s’assit, les épaules et la tête reposant contre l’écorce rugueuse. D’un coup,
elle se sentit terriblement lasse. Aussi désemparée qu’une enfant abandonnée.
Elle voulait se lover dans la puissance des bras d’Abram, dans la chaleur de sa
voix et la douceur de ses lèvres pour lui dire ce qui était si important !
    Mais Abram n’était pas là.
    En cet instant, cette absence lui parut
absolue. Comme si, où que soit Abram, il était immensément loin d’elle.
    Les larmes qu’elle avait si longtemps
retenues jaillirent de ses yeux comme une source débordante. Elles ruisselaient
sur ses joues, glissaient entre ses lèvres, inondaient son cou. Nul ne pouvait
la voir, et Saraï pleura autant que son corps le voulait.
    Ensuite, lorsque ses yeux furent à nouveau
secs et son cœur plus calme, la confiance en Abram lui revint. Tôt ou tard il
allait apparaître. Elle pouvait l’attendre. Se reposer. Prendre des forces pour
que sa parole fût forte et juste.
    Malgré elle, une très vieille prière à
Inanna monta à ses lèvres :
    Inanna, sainte Lune, sainte Mère,
    Reine du ciel,
    Ouvre mon cœur, ouvre mon ventre, ouvre
ma parole.
    Prends mes pensées pour offrandes.

 
Le dieu d’Abram
    Des cris et des bruits s’élevaient du
village de tentes. Le four de Terah, pareil à un brûle-parfum embaumant la
terre à perte de vue, diffusait par sa fumée l’odeur mêlée des chênes, des
cèdres, des sycomores et des térébinthes. Longeant l’atelier, le chemin qui
sortait du campement serpentait entre les collines opulentes et rejoignait la
grande route menant à Harran. Depuis le rebord du plateau, Saraï pouvait en
deviner les riches maisons. Les ombres s’allongeaient, de plus en plus longues.
Abram n’avait toujours pas reparu. Engourdie par la fraîcheur de l’ombre et la
paix immense du plateau, Saraï avait failli s’endormir.
    Elle eut faim et soif, mangea l’un des
pains préparés pour Abram et but l’eau dont la gourde avait conservé la
fraîcheur.
    Elle attendit encore, luttant contre
l’inquiétude. Il était rare qu’Abram s’absente ainsi sans un mot pour elle ou
pour Loth.
    Dans le camp, maintenant, on avait dû
remarquer son absence.
    Et si Abram ne rentrait pas avant la
nuit ? Si elle devait retourner seule à la tente ?
    Soudain, elle sentit quelque chose. Sa
présence. Peut-être même le bruit de ses pas.
    Elle se mit debout, scruta le plateau d’un
horizon à l’autre. Et elle le vit. Étonnée par elle-même : comment
avait-elle pu pressentir son arrivée ?
    Il était si loin encore. Une silhouette
seulement, là-bas, qui avançait dans les herbes hautes !
    Mais elle le reconnaissait. Elle n’avait
pas besoin de voir son visage pour savoir que c’était lui.
    Il marchait vite, à grands pas. Une bouffée
de joie effaça les craintes et les doutes de Saraï. Elle eut envie de l’appeler
mais leva seulement les bras pour lui faire signe.
    Abram répondit. Elle se mit à courir.
    Quand ils furent assez près l’un de
l’autre, elle se rendit compte qu’il riait. Son visage était radieux, illuminé
par la joie. Un visage qu’elle ne lui avait pas vu depuis des lunes !
    Il ouvrit les bras et s’immobilisa pour
l’accueillir contre sa poitrine.
    — Saraï, ma bien-aimée !
    Ils s’enlacèrent comme des amants séparés
par un long voyage.
    Sous sa joue, dans ses cheveux, Saraï
entendit encore le rire d’Abram. Puis ses mots, rapides et essoufflés :
    — Il m’a parlé ! Il m’a
appelé : « Abram ! Abram ! » J’ai répondu :
« Me voici ! » Et puis le silence. Alors j’ai marché loin,
au-delà du plateau. Je croyais que je ne L’entendrais plus. Mais Il m’a encore
appelé : « Abram ! » Et moi : « Oui, je suis
là ! »
    Il rit encore.
    Saraï s’écarta, les sourcils froncés par
l’incompréhension, une question sur les lèvres. Alors Abram saisit son visage
entre

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