Sarah
lorsqu’un rire éclata au-dessus d’elle. Un corps jaillit d’entre les
arbres, attrapa sa tunique et se détendit de nouveau pour disparaître avec
fracas dans l’eau. Mais Saraï l’avait reconnu.
— Loth !
La tête de Loth surgit de l’eau, moqueuse.
Avec un grand éclat de rire, il agita la tunique de Saraï, ruisselante, au bout
de son poing. Saraï se recroquevilla et voila de son mieux sa nudité.
— Loth ! Ne sois pas stupide.
Rends-moi ma tunique et disparais !
En deux mouvements puissants, Loth fut à
ses pieds. Avant qu’elle fît un mouvement il lança la tunique au loin tandis
qu’il lui enlaçait les mollets. Furieusement, il lui baisa les genoux et les
cuisses, cherchant à lui enlacer la taille. Avec un cri de fureur, Saraï lui
agrippa les cheveux à pleines poignées. D’une torsion de la hanche, lui tirant
sur la tête, elle dégagea ses jambes. Sans plus se soucier de sa pudeur, elle
parvint à placer un pied sur l’épaule de Loth puis un autre contre sa poitrine.
Elle le repoussa de toutes ses forces. Mais Loth était devenu un jeune homme
plein de vigueur. Il desserra son étreinte, sans l’abandonner cependant. Riant,
ivre d’excitation, il lutta, agrippa la nuque de Saraï, posa une main sur sa
poitrine. Alors, les muscles durcis par la colère, Saraï bascula sur le côté,
balança son pied dans le sexe de Loth et le gifla de toutes ses forces.
Sous le choc de la douleur autant que de la
stupéfaction, Loth roula sur la roche et tomba dans l’eau. Saraï se mit debout,
trouva sa tunique et l’enfila prestement, toute trempée qu’elle était. Avec un
gémissement enfantin, Loth se hissa hors de la rivière. Il demeura un instant
étendu sur le côté, ses mains massant son sexe dressé sous son pagne. La
douleur et l’embarras défaisaient ses traits. Saraï le dévisagea sans adoucir
sa fureur.
— Honte à toi ! Honte à toi,
neveu d’Abram ! Loth se redressa, le visage livide, le menton frissonnant.
— Pardonne-moi, balbutia-t-il. Tu es
si belle.
— Ce n’est pas une raison. Je suis
l’épouse d’Abram. L’aurais-tu oublié ? Tu n’es pas pardonnable.
— Si, c’est une grande et vraie
raison !
Il avait presque crié. Il détourna les
yeux, s’assit sur la roche, dos à Saraï. Il poursuivit :
— Toi, tu ne t’aperçois de rien. Moi,
je te vois tous les jours. La nuit tu es dans mes rêves. Je songe à toi en
ouvrant les yeux.
— Tu ne dois pas.
— Je ne choisis pas. On ne choisit pas
la femme que l’on aime.
— Tu ne devrais même pas oser
prononcer des mots pareils. Si le dieu d’Abram t’entendait…
— Le dieu d’Abram peut m’entendre s’il
le veut ! l’interrompit violemment Loth. C’est toi qui ne m’entends
pas ! Tu ne vois même pas que je suis près de toi plus souvent qu’Abram.
Tu ne vois pas que je te sers avec plus d’attention que lui. Il n’est rien que tu
me demandes sans que je l’accomplisse avec joie. Mais tu ne me vois pas. Et
quand tu prononces mon nom, je crois être encore l’enfant que tu grondais. Je
ne le suis plus, Saraï. Mon corps a grandi, mes pensées ont grandi, et mon sexe
aussi.
Saraï se sentit soudain pleine de confusion
et de gêne. La voix de Loth vibrait de douleur. Pourquoi n’avait-elle pas vu
cette souffrance ? Il avait raison. Elle ne le voyait pas. Ou, plutôt,
tandis qu’elle voyait l’homme qu’il était devenu, d’une grande beauté, plus
mince et plus fin qu’Abram, avec quelque chose de féminin dans sa souplesse,
elle continuait à songer à l’enfant qu’il avait été, toujours rieur, joueur.
Alors que partout dans Canaan des jeunes femmes devaient s’endormir avec son
image dans l’esprit, rêvant de l’avoir un jour pour époux.
La colère de Saraï reflua. Elle chercha une
phrase de sagesse tendre qui pût calmer Loth. Mais Loth lui fit face, les yeux
aussi brillants que s’ils étaient enduits de khôl.
— Je sais à quoi tu penses. Je connais
tous les mots que tu as dans la bouche et avec lesquels tu veux me condamner ou
m’apaiser. Tu penses à Abram qui est comme mon père. Tu vas me dire que tu es
comme ma mère.
— N’est-ce pas la vérité ? N’y
a-t-il pas de plus grande faute que de convoiter sa mère ? L’épouse de son
père ?
Le rire de Loth fut terrible à entendre.
— Abram n’est pas mon père !
D’ailleurs, il ne veut pas le devenir : il ne m’a pas adopté. Et toi, tu
dis : je suis comme ta
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