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Sarah

Sarah

Titel: Sarah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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pâturages.
    Le roi Melchisédech et ses sages
questionnèrent Abram sur le pays d’où il venait et l’apparence du monde
traversé au cours de leur longue marche jusqu’à Salem. Qu’à travers mille
montagnes et vallées, rivières et déserts, il ait trouvé le chemin de Canaan
les étonna. Ils ignoraient tout du royaume d’Akkad et de Sumer et convièrent
Saraï à leur montrer, sur une planchette de glaise fraîche, l’écriture qui y
était en usage. Que l’on pût désigner des choses, des animaux, des hommes, des
couleurs et même des sentiments à l’aide de signes les stupéfia.
    Enfin, ils demandèrent à Abram ce qu’il
savait du Dieu unique. Eux-mêmes le vénérait : Il était le Dieu de leurs
pères et Il leur avait toujours assuré la paix et la richesse sur leurs terres.
Cependant, le Dieu invisible ne s’était encore jamais adressé à eux. À aucun
d’entre eux Il n’avait confié son nom. Yhwh.
    Aussi, le roi Melchisédech déclara
qu’Abram, bien qu’il ait l’apparence d’un berger entraînant à sa suite un
peuple disparate qui ne provenait même pas de son sang, était sans doute un roi
aussi noble que lui. Il annonça, de sa voix pleine de jeunesse, qu’il
s’inclinait devant lui, malgré la différence d’âge, et avec tout le respect
qu’il aurait accordé à un égal.
    À la suite de quoi, tous les sages et tous
les habitants de Salem l’imitèrent. Puis Melchisédech se tourna vers Saraï, qui
se tenait droite et silencieuse. Il dit :
    — Abram, permets aussi que je
m’incline devant ton épouse, Saraï. Il se peut que sa beauté vous soit
habituelle, à toi et aux tiens, et qu’elle ne vous brûle pas les yeux de
ravissement. C’est pourtant la plus belle des femmes que le Dieu unique ait
mises sur mon chemin. Et je ne doute pas qu’il l’ait placée auprès de toi en
signe de toutes les beautés qu’il veut offrir à ta nation.
    Et Melchisédech s’inclina également devant
Saraï. Puis, pressant sa longue barbe sur sa poitrine, il saisit un pan de la
tunique de Saraï pour la porter à ses lèvres. Sa bouche trembla lorsqu’il se
redressa et murmura pour qu’elle seule entendît :
    — Je suis vieux, mais désormais c’est
un bonheur, car, sachant que tu existes et que tu n’es pas mienne, je ne
saurais vivre jeune.
    Saraï avait espéré qu’une fois parvenu au
pays promis par son dieu Abram ordonnerait la construction d’une ville. Une
vraie ville, avec des maisons en brique, des ruelles, des cours, des portes et
des toits frais. Oui, toute la grandeur d’une ville. En vérité, la beauté d’Ur
lui manquait. La splendeur solide, immuable, immobile de la ziggurat lui
manquait. Et l’ombre de sa chambre dans la maison d’Ichbi Sum-Usur, les parfums
du jardin, les bruits des outres qui se remplissaient, le murmure des bassins
dans la nuit.
    Elle n’était pas seule à être lasse de
monter et démonter les tentes et de suivre la faim des troupeaux. Pourtant,
bien vite, lune après lune, chacun mesura à quel point le pays de Canaan était
prodigieux.
    On pouvait demeurer sur la même terre deux
ou trois saisons. Le lait et le miel semblaient suinter des collines et des
vallées. La pluie alternait avec la sécheresse et la fraîcheur avec la chaleur
sans que l’un excède l’autre. L’abondance engraissait les troupeaux et les
enfants. Les fils devenaient plus grands que leur père. Ainsi, au fil des
jours, tous, même Saraï, oublièrent leur rêve de ville.
    Les tentes s’agrandirent, jusqu’à posséder
des chambres séparées par des tentures intérieures. Abram en fit coudre une aux
rayures blanches et noires assez vaste pour que puissent s’y réunir les chefs
des différentes familles. Les femmes de Salem apprirent aux nouvelles venues à
teindre la laine et le lin de couleurs vives et joyeuses. Elles leur montrèrent
comment les tisser selon des motifs originaux. Les tuniques et les capes
blanches et grises furent remisées dans les coffres. On commença à se vêtir de
rouge, d’ocre, de bleu, de jaune.
    Après deux années, la réputation de paix et
de richesse de Canaan, la renommée de sagesse d’Abram et de Melchisédech furent
colportées dans les nations environnantes par les bergers et les caravanes de
marchands.
    Isolés d’abord, puis de plus en plus
nombreux, des étrangers aux maigres troupeaux arrivèrent, du nord et de l’est.
Les pères et les fils s’inclinaient devant Abram avec les mêmes mots et

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