Satan à St Mary le bow
Célibataire, pas de famille à part une soeur. Rien ne permet d’établir un lien entre lui et une quelconque organisation secrète. Apparemment, il n‘était ni membre ni partisan du parti des « Populares ». Lien ténu avec Ralph Crepyn. Ce dernier, parti de rien, s’est élevé à la fonction d’échevin de la cité. Usurier notoire, il a acquis la plus grosse partie de sa fortune dans le commerce de l’argent. Il ne cachait pas sa sympathie pour le défunt traître, Simon de Montfort. Il entretenait des liens avec le parti clandestin des « Populares » et des relations encore plus douteuses avec la pègre. Apparemment, le 13 janvier à midi environ, Crepyn a rencontré Duket dans Cheapside. Ils se sont querellés, puis ont échangé des coups. Duket a soudain saisi son poignard — acte assez étrange de la part d’un homme aussi placide — et a porté — par hasard ou intentionnellement — un coup fatal à Crepyn en lui enfonçant l’arme dans la gorge. Reprenant son poignard, il a fui dans Cheapside avant que l’alarme ne soit donnée, s’est réfugié dans le cimetière de St Mary-le-Bow, et a réussi à agripper la poignée de la porte de l’église pour réclamer le droit d’asile. Le recteur de ladite église, Roger Bellet, le lui a accordé et l’a donc conduit dans le choeur se mettre sous la protection de la Sainte Cathèdre. Le prêtre, comme le prévoit la loi, lui donna une chandelle, un pichet de vin, une miche de pain à un penny et de quoi faire du feu. Ledit prêtre a également, comme le veut la coutume, fermé la porte à clef lui-même tandis que Duket tirait le verrou intérieur. Il n’y eut pas de chasse à l’homme ni d’envoi de soldats à l’église, car les officiers municipaux n’eurent pas le temps d’en organiser, vu la proximité de St Mary-le-Bow avec le lieu du crime. Cependant le conseil de la paroisse fit poster des gardes devant la porte de l’église, moins pour empêcher quiconque de pénétrer à l’intérieur que pour empêcher Duket de s’enfuir à la faveur de la nuit. Les hommes du guet rapportèrent par la suite que personne ne s’était approché de la porte et qu’ils n‘avaient rien entendu de suspect dans le cimetière pendant la nuit. Ils montèrent la garde jusqu’à prime, heure à laquelle le recteur vint, avec ses clefs, ouvrir la porte, mais il ne put, toutefois, ni la pousser ni réveiller Duket en l’appelant ou en cognant à la porte. Ce que voyant, le guet et lui forcèrent l’entrée à l’aide d’un morceau de bois trouvé non loin de là. À l’intérieur, il n’y avait nulle marque de violence ni de vandalisme et ils virent la scène suivante dans la nef : dans le choeur on avait déplacé la Sainte Cathèdre vers la droite, juste sous la grande baie. Le choeur est flanqué de deux de ces fenêtres près desquelles dépasse une barre de fer munie d’un crochet pour suspendre guirlandes ou veilleuses. Ce jour-là, à la barre de droite, pendait le corps de Lawrence Duket. Il semblerait que Duket soit allé dans l’entrée de l’église prendre une corde de cloches inutilisée, puis qu’il soit revenu dans le choeur, qu’il ait déplacé la Sainte Cathèdre et qu’il se soit pendu à la barre de métal. On envoya chercher le coroner et les jurés de la paroisse pour examiner le corps. Ils interrogèrent les gardes postés autour de l’église et recueillirent leurs déclarations, à savoir que personne n’était entré ou sorti de l’église pendant la nuit et qu’ils n’avaient rien vu ni entendu de suspect. Le coroner leur fit jurer qu’ils avaient rempli leur office de façon réglementaire et consciencieuse. Je suis d’avis qu’ils ont dit la vérité. Le coroner et les jurés questionnèrent également le recteur de l’église, qui affirma ne rien savoir de la mort de Duket, déclaration qu’accepte le coroner, mais sur laquelle j’émets des réserves. Je me défie de cet homme, bien que je ne puisse rien prouver pour l’instant, mais j’éprouve envers lui un sentiment de profonde méfiance. Duket était mort par strangulation ; il y avait, autour de son cou, la trace violacée et profonde de la corde, et une ecchymose sous l’oreille gauche provoquée par le noeud. Son corps ne portait aucune autre marque à part des bleus sur les bras et un fragment de tissu pris entre les dents. Le coroner nota tout cela, comme je le fis en exhumant le corps de la fosse commune.
Le coroner et le
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