Satan à St Mary le bow
immédiatement le garçon par l’épaule et, l’entourant de son bras, le fit sortir de la cour de la prison au pas de course. Il fonça dans la rue avec son nouvel assistant et tourna dans une venelle sombre encombrée de déchets de viande et puant le sang coagulé à cause des abattoirs tout proches. Là Corbett plaqua Ranulf contre le mur souillé d’urine, sortit son poignard et le tint si près de la gorge du garçon qu’une petite perle de sang apparut sur la peau. Il vit la peur effacer son arrogance hargneuse et dit lentement d’une voix douce :
— Maître Ranulf, je t’ai sauvé de la corde pour quel délit ?
— Pour vol et cambriolage, croassa l’adolescent. C’était la troisième fois.
— Alors, dit Corbett, ce sera la dernière. Reste avec moi, aide-moi et tu seras libre. Trahis-moi et je veillerai à ce que tu meures lentement. C’est compris ? Le garçon approuva, hypnotisé par la longue lame d’acier qui menaçait le cou qu’il croyait sauvé de la corde. Corbett le relâcha avec un sourire et revint dans la rue principale, discrètement suivi par son ombre fidèle.
Il passa le reste de la matinée et l’après-midi à rendre Ranulf plus présentable. Il l’emmena dans l’hôtellerie où il avait laissé son cheval, lui fit enlever ses haillons crasseux et se laver dans un baquet d’eau fourni par le tavernier pantois, et le laissa, enveloppé dans une couverture et dévorant goulûment son repas, tandis qu’il allait acheter des vêtements — une simple cotte à capuchon vert, des chausses, des bottes, une ceinture, une bourse, un petit poignard redoutable et son étui en cuir.
À son retour, Ranulf avait disparu. Il le retrouva dans une dépendance de la taverne, complètement nu, en train d’apprécier le corps bien en chair d’une des servantes dont les cris de plaisir avaient guidé Corbett. Le clerc fut tenté d’interrompre brutalement les amours de son protégé ; mais comprenant que le jeune homme célébrait ainsi sa liberté recouvrée, il s’en retourna en soupirant l’attendre dans la taverne.
Peu après Ranulf réapparut, enveloppé dans sa couverture, l’air tout penaud, et dut écouter un rude sermon qu’il s’empressa d’oublier dans sa joie d’essayer les habits neufs que lui lança Corbett.
Une fois qu’il fut habillé, tous deux quittèrent la taverne et descendirent Cheapside. La journée était bien avancée, la foule se faisait moins dense et le vent froid du soir emportait les premiers petits signes du printemps. Des paysans en cotte brune et sabots s’en repartaient vers la campagne, les marchands avec leurs poneys de bât et leurs charrettes vides s’efforçaient de quitter la ville avant le couvre-feu, les colporteurs et les artisans se hâtaient de finir leurs affaires de la journée. Corbett conduisit Ranulf à La Mitre et, lui ordonnant de ne pas le quitter d’une semelle, il scruta la pénombre à la recherche d’Alice.
— Elle est partie. Dame Alice n’est pas là aujourd’hui.
Peter, le géant, lui barrait la route, ses petits yeux aux paupières rouges brillant de méchanceté.
— Rentrera-t-elle ce soir ? questionna anxieusement Corbett, se demandant où elle pouvait bien être, sa déception à ne pas la voir se teintant d’inquiétude pour sa sécurité.
L’homme pinça les lèvres et fit signe que non.
— Elle est partie. Elle sera là demain. Mais elle est partie et vous, vous devez vous en aller, Messire, ou je vais appeler le guet. C’est bientôt le couvre-feu. Marmonnant des jurons, Corbett sortit. Il retrouva Ranulf dehors, à peu de distance de la taverne.
— Pourquoi es-tu parti si rapidement ? demanda Corbett d’un ton sec.
Ranulf courba l’échiné.
— Vous ne le reconnaissez peut-être pas, Messire, mais ce Peter est bourreau. C’est lui qui « branchait » les gens, qui les pendait. Il était bourreau aux Elms.
Il jeta un coup d’oeil bizarre à Corbett.
— Votre maîtresse fréquente de drôles d’individus. Corbett en tomba d’accord. Les paroles de Ranulf accrurent son inquiétude pour la sécurité d’Alice. Il repartit dans Cheapside, retournant le problème tandis que Ranulf, l’insultant à voix basse, courait presque derrière lui pour ne pas se laisser distancer par les longues enjambées de son nouveau protecteur.
Bien sûr, à Thames Street, Corbett eut quelques difficultés avec la logeuse qui dévisageait Ranulf avec défiance et Corbett avec
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