Satan à St Mary le bow
roi.
De l’autre côté du fleuve noyé de brume, les silhouettes encapuchonnées du Pentacle, à nouveau réunies, se pressaient autour de leur chef, La Cagoule. Elles gardaient le silence, mais leur attitude trahissait une attente exacerbée, presque de la peur.
— Ainsi un membre de notre groupe a été éliminé ? demanda quelqu’un.
L’orateur, à droite de La Cagoule, fit signe que oui.
— D’après ce que nous savons, il a été arrêté, répondit-il. Il est probablement mort... grâce aux bons soins de Corbett ! Notre agent à la Chancellerie nous signale aussi que Corbett en sait beaucoup sur nous.
— Alors pourquoi ne pas le supprimer ? demanda une autre voix teintée de peur. Pourquoi ne pas le supprimer, répéta-t-elle avec insistance, quand il va voir sa catin à La Mitre... Je l’y ai souvent vu là-bas... Ses paroles s’éteignirent et un silence glacial et mortel s’abattit sur l’assemblée.
— Nous ne pouvons pas le tuer là-bas et vous savez que vous n’auriez pas dû dire cela ! reprit brutalement l’orateur. Vous connaissez notre pacte. Nul ne doit dire ce qu’il est, homme ou femme, ni ce qu’il fait, ni même quelle partie de la ville il fréquente... Cela dit — et le regard que fixa l’orateur sur l’assemblée se fit de braise —, nous exécuterons Corbett et vengerons notre camarade. Mais ce qui importe, c’est que nous menions à bien notre Grand Dessein. Chacun de nous doit organiser son groupe, rassembler des armes et attendre le signal de la rébellion.
— Et Corbett ? répéta-t-on obstinément.
— Nous avons désigné quelqu’un pour s’occuper spécialement de lui, répondit fermement l’orateur. Vous pouvez considérer Corbett comme mort !
CHAPITRE XVI
Le lendemain, Corbett alla à St Mary-le-Bow en laissant des ordres pour que Ranulf l’y rejoignît. L’église et le presbytère étaient déserts. Neville lui avait donné les clefs de Bellet, mais, à sa grande surprise, Corbett n’eut qu’à pousser la porte pour l’ouvrir, celle-ci n’étant pas verrouillée. La pièce principale avait le même aspect que lors de sa visite, plusieurs semaines auparavant : le brasero débordait de cendres froides, un gobelet de vin à moitié plein et des morceaux de fromage, rongés par les rats, se trouvaient sur le seul coffre de la pièce. Il les balaya d’un revers de main pour ouvrir le lourd couvercle en bois. Une odeur de moisi s’en échappa, mêlée à celle de la sueur lorsque Corbett se mit à sortir les vêtements : un froc pas très propre, des chausses, une paire de bottes en cuir. Rien d’autre. Corbett regarda la pièce vide. Il aurait dû y avoir autre chose. Il comprit soudain ce qui manquait.
C’était un presbytère, mais il n’y avait aucune croix, aucun crucifix. Il examina les murs de torchis, la table parsemée de miettes de pain, mais ne vit aucun objet liturgique. Il écarta la paille souillée d’un coup de pied, puis entra dans la petite pièce de derrière qui servait de cuisine et de réserve. Elle était d’une saleté répoussante et ne contenait qu’une table couverte de taches, un tabouret, une étagère pleine de gobelets ébréchés et d’écuelles en bois à la propreté douteuse. « Cet homme devait vivre comme un animal », pensa Corbett. Il revint dans la pièce principale et aperçut le grenier qui devait servir de chambre. Une cloison de bois poli dérobait la chambre aux regards des curieux, et on ne pouvait s’en approcher que par une échelle manifestement peu solide posée contre le mur.
Corbett cala l’échelle contre la poutre qui formait la base de la cloison et grimpa prudemment. Il s’attendait à voir la même saleté et le même désordre qu’en bas, mais il en était tout autrement : la chambre était de dimensions réduites, percée en haut d’une petite fenêtre aux vitres de corne qui diffusait une lumière suffisante. Le plancher était poli à la cire, et de lourdes tentures de velours pendaient aux murs chaulés, couverts de scènes d’amour des plus scabreuses. Un immense lit à la courtepointe de soie émeraude occupait la majeure partie de la pièce. Corbett enjamba la cloison de bois et s’assit sur le lit aux luxueux traversins et matelas de plume. D’un côté du lit, un tabouret supportait un bougeoir argenté et sa bougie de cire vierge tandis que de l’autre se trouvait un petit coffre en bois, richement sculpté. Voulant l’ouvrir, Corbett
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