Satan à St Mary le bow
bientôt arriver dans la cité et nous devons être prêts pour les célébrations. Il y a des pirates dans la Manche qui attaquent nos bateaux. Elle lui sourit :
— Rien d’extraordinaire, contrairement à certains clercs chargés d’importantes missions secrètes.
Ils s’assirent et se taquinèrent. Corbett brûlait du désir de la prendre dans ses bras et de l’emporter dans sa chambre, là où ils pourraient être seuls, mais il savait qu’elle refuserait, sans compter que la présence du lugubre Peter refroidissait ses ardeurs. Au lieu de cela, il lui fit jurer qu’elle l’attendrait le lendemain soir, puis il prit tendrement congé d’elle avant de quitter la taverne. Il mit sa lourde cape sur le bras parce qu’il voulait être plus libre de ses mouvements en cas d’attaque et s’en servir comme bouclier, et aussi parce que le temps s’était radouci.
Lorsqu’il arriva à la Tour, il trouva Ranulf qui l’attendait, affalé sur son étroite paillasse, et qui lui répondit d’une voix lasse :
— Oui. Je suis allé à Westminster et j’ai réussi à voir Burnell, bien que, continua-t-il amèrement, ce gros prétentieux de Hubert ait essayé de m’arrêter. Je suis donc resté devant le bureau du chancelier à hurler votre nom et celui du roi. Cela a réussi. Burnell m’a fait appeler. Il a regardé la bible et les dessins que vous m’aviez dit de lui signaler, surtout le dernier.
Ranulf s’interrompit pour renifler et se moucher sur la manche de son justaucorps avant de continuer :
— Le chancelier a juste jeté un coup d’oeil au dernier croquis, bondi sur ses pieds, appelé des clercs et des messagers et ordonné que l’on selle les chevaux les plus rapides. Il m’a lancé un regard noir, et j’ai cru que j’étais bon pour le gibet, mais il m’a renvoyé avec ce simple message : « Dis à Corbett que je veux des noms. » C’est tout ! acheva Ranulf.
Corbett hocha la tête, enleva ses bottes et s’étendit sur sa couche pour calmer la douleur de ses contusions. Des noms ! Le chancelier voulait des noms. Corbett pouvait dire pourquoi Duket avait été assassiné et comment, mais par qui ? À part le prêtre apostat, qui était mort, il n’avait pas de noms.
Corbett frissonna et resserra brutalement sa cape. La broche de métal heurta sa bouche. Il se rassit pour arranger son vêtement et examina la broche, tirant et déposant sur sa paume les fils qui s’y étaient entortillés. Si fins, si légers, si insignifiants. Et pourtant Corbett sentit comme une épée lui percer l’âme et un goût acre de métal lui emplit la gorge. Une succession d’images surgit dans son esprit, balayant les doutes et les soupçons qui y couvaient, tandis que l’envahissait une atroce souffrance, brûlante comme un furoncle ou un abcès avant qu’il crève. Il ressentit une vive douleur dans la poitrine, comme si une main de fer lui enserrait le coeur pendant que le sang lui battait les tempes comme autant de vagues déferlantes. Il se rallongea sur sa paillasse, les poings serrés, essayant de remettre de l’ordre dans le chaos qui l’assaillait. Ranulf s’approcha, la mine anxieuse, et offrit ses services : Y avait-il quelque chose qui n’allait pas ? Fallait-il apporter du vin ? Corbett le chassa avec une bordée d’injures et Ranulf, devant le visage livide et les yeux fous de son maître, se faufila dehors comme un chien battu. Neville vint une heure plus tard, mais Corbett se contenta de le regarder et de le renvoyer d’un geste de la main. Ranulf ne dormit pas là cette nuit, et préféra la relative sécurité de la salle des gardes à la compagnie d’un maître devenu apparemment fou.
Le lendemain, pourtant, Ranulf trouva Corbett déjà lavé et habillé ; assis sur le lit, son écritoire sur les genoux, il gribouillait sur un long parchemin. Le clerc arborait encore une mine pâle et défaite. Ranulf commença à s’enquérir de sa santé, mais se tut sous le regard de glace de Corbett. Il se doutait que quelque chose de terrible était arrivé, mais ne pouvait concevoir ce que c’était. Son maître était si secret à bien des égards qu’il était difficile de savoir s’il était heureux ou triste. Il se balança d’un pied sur l’autre jusqu’à ce que Corbett eût fini d’écrire et lui eût ordonné d’apporter la missive à Nigel Couville aux Archives de la Chancellerie de Westminster. Corbett répéta que l’affaire était si grave que
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