Satan à St Mary le bow
s’allongea sur le lit.
Fut-ce le bruit ou l’ombre furtive qui l’avertit ? Toujours est-il qu’il roula sur lui-même, évitant ainsi l’épée meurtrière qui s’abattit là où il se trouvait quelques instants auparavant. Il vit une haute silhouette toute vêtue de noir et, par les fentes de la cagoule, le regard étincelant de l’assassin mystérieux qui leva à nouveau son arme. Sans hésitation, Corbett se jeta sous le bras levé de son assaillant et tous les deux tombèrent lourdement sur la cloison. Dans un espace aussi restreint, le tueur ne pouvait pas user de son épée, mais il en abattit le pommeau sur le dos vulnérable de Corbett. La douleur fut atroce et Corbett ne put que serrer davantage la taille de son adversaire et le presser contre la cloison. Il espérait que Ranulf serait déjà là et entendrait le bruit, mais la cloison se brisa, et les deux hommes basculèrent pour s’écraser sur le plancher en contrebas.
Corbett eut de la chance, car sa chute fut amortie par le corps du tueur qui fut moins heureux. Une large tache de sang s’échappa de sous la cagoule, et Corbett, après s’être massé bras et poignets et s’être étiré pour soulager son dos douloureux, souleva le masque de son assaillant. Ce fut à ce moment que, bien tardivement, Ranulf fit irruption en hurlant à pleins poumons.
— Tu arrives trop tard ! dit sèchement Corbett. Tu n’as pas entendu de bruit plus tôt ? Pourquoi ? Ranulf se gratta le menton.
— Parce que je suis allé dans l’église et n’ai entendu la bagarre qu’après, en venant ici.
Il désigna le tueur, gisant sur le dos, un bras et une jambe étrangement tordus.
— Qui est-ce ?
Corbett arracha la cagoule et vit un visage jeune et lisse, un visage blême aux yeux vitreux sous une frange de cheveux noirs. Un filet de sang coulait de la bouche du mort et allait rejoindre la tache sanglante sous le crâne défoncé.
— Je ne sais pas, répondit doucement Corbett. Mais il m’attendait. Ils l’ont envoyé. Ils savaient que je viendrais ici.
Il vit la mine inquiète de Ranulf.
— Qui sont-ils ? s’interrogea Corbett. Pour l'amour de Dieu, que veulent-ils de moi ?
Il se leva et s’épousseta, en essayant d’oublier la douleur de son dos et de ses bras. Puis il montra l’échelle tombée.
— Allez, Ranulf ! Tiens-la pendant que je finis de fouiller.
Ranulf agrippa fermement l’échelle que gravit Corbett pour regagner la chambre du prêtre défunt et fouiller le coffre sculpté. Il y avait là nombre de vêtements, chausses, pourpoints, tuniques et chemises de la meilleure qualité, du taffetas, du velours et de la soie, des manteaux de pure laine et d’autres tissus somptueux, des ceintures ornées de pierreries, des bottes de cuir souple et des gants de velours. De toute évidence, le prêtre avait mené une double vie : pauvre en public, riche en privé. Il n’y avait nul document ni parchemin ; le seul livre était une bible reliée en cuir au fermoir d’or. Les pages étaient superbement calligraphiées et délicatement enluminées, en un véritable festival de couleurs. Corbett admira l’habileté de celui qui avait si minutieusement dessiné les mots et leur avait donné vie avec de l’écarlate, de l’or, du vert et d’autres couleurs. Il tourna les pages, tout paraissait normal, sauf qu’il était surprenant qu’un homme comme Bellet ait eu une bible, et une bible de ce prix-là, qui plus est. Corbett la feuilleta soigneusement, mais ne trouva rien. Il l’ouvrit alors à la fin, là où on laissait des pages blanches pour que les futurs propriétaires y inscrivent leurs réflexions ou le fruit de leurs méditations.
Bellet y avait écrit quelque chose, mais loin d’être des aphorismes religieux ou des vérités morales, c’était, gravées d’une écriture serrée, en anglo-normand ou en latin de cuisine, une réfutation de l’existence du Christ, des formules magiques, des incantations, ainsi que le dessin d’un homme à tête de bouc assis sur un autel sanglant sous lequel on voyait une croix renversée. Un autre croquis représentait une église et des fidèles au visage inexpressif et docile de moutons, écoutant attentivement une silhouette ecclésiastique à la tête féroce et aux babines salivantes de loup.
Le dernier croquis, que Corbett estima être le plus récent, était totalement différent. C’était une tour carrée dont un archer, arc en main, occupait le sommet
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