Satan à St Mary le bow
son peu de discrétion habituels. Corbett était à la fois fasciné et affligé par l’obsession de l’adolescent pour le beau sexe. Les dames raffinées de la cour voyaient les choses différemment, et certaines se retrouvèrent dans le lit de Ranulf et épuisèrent pour leur plaisir un jeune homme qui aurait dû se balancer au bout d’une corde depuis des semaines.
Les jours passaient. Corbett sentait le rythme effréné de la vie à la cour calmer son anxiété et ses regrets au sujet d’Alice, bien que les nouvelles de Londres fussent particulièrement sinistres. On avait perquisitionné en ville et dans la campagne environnante, procédé à des arrestations qu’avaient suivies des procès sommaires devant les tribunaux du royaume et des exécutions rapides au gibet et au bûcher de Smithfield. En dépit de son apparente sérénité, le roi était, au fond de son coeur, furieux d’être tenu éloigné de sa ville par des rebelles, des partisans secrets du défunt, mais encore détesté Montfort.
Corbett serait bien resté à Woodstock, entraîné par la vie de la cour et chargé de tâches mineures par le roi, si Burnell n’avait changé tout cela. Environ dix jours après son arrivée à Woodstock, Corbett reçut une lettre qu’il ouvrit, les doigts tremblants, ayant reconnu l’écriture ferme et élancée du chancelier.
Robert Burnell, évêque de Bath et de Wells, chancelier d’Angleterre, à son clerc bien-aimé, Hugh Corbett, salut ! Les renseignements que vous nous avez envoyés se sont avérés fort précieux pour l’arrestation et la mise en accusation des traîtres dans notre capitale. Des soldats envoyés à Londres par le roi ont encerclé et investi la taverne de La Mitre dans St Mark’s Lane. Tous les individus qui s’y trouvaient furent appréhendés et emmenés à la Tour pour y être interrogés. On ne put, cependant, trouver trace de la propriétaire, une femme connue sous le nom d’Alice-atte-Bowe. Mais d’autres, qui eurent moins de chance et ne purent s’enfuir, furent mis à la question, une fois à la Tour, et interrogés pendant des jours sur le meurtre de Lawrence Duket. Certains moururent ; mais l’un d’eux, un géant nommé Peter, garde du corps d’Alice et ancien bourreau, fit finalement des aveux complets. Il semblerait que ce parti des « Populares » ou révolutionnaires, partisans reconnus du défunt Montfort, ait été infiltré et contrôlé par un groupe encore plus dangereux, une secte adonnée à la magie noire appelée le Pentacle.
Ses membres rejetaient la croix du Christ et voyaient en l’hérétique Fitz-Osbert un saint épousant des théories visant à éliminer l’autorité du roi et de l’Église et toute autre autorité dans le royaume. Ils célébraient des cérémonies sataniques et suivaient des rites abominables dans des cimetières abandonnés ou, plus souvent, dans la crypte d’une église désaffectée de Southwark. Le chef de ce groupe, surnommé La Cagoule, était, comme l’avoua abjectement Peter, cette Alice-atte-Bowe à qui appartenait la taverne de La Mitre. D’autres membres de ce groupe étaient des marchands prospères et même des représentants officiels de la municipalité. L’un d’eux, Ralph Crepyn, était spécialement chargé de réunir des fonds, par tous les moyens possibles, pour aider le Pentacle et le parti des « Populares » à mener à bien son projet de tuer le roi, lorsqu’il serait rentré de Woodstock pour aller à Westminster en passant par Cheapside.
L’assassinat du roi aurait été suivi d’une révolte générale. Le dessin que vous avez trouvé dans la bible de Bellet montrait que les traîtres auraient utilisé l’église St Mary-le-Bow, comme ils l’avaient fait pour y cacher les armes, ce qui explique la devinette de ce pauvre Savel que vous avez mentionnée dans votre rapport. Nous avons trouvé maintes armes dissimulées dans le cimetière. La mort de Crepyn, puis l’assassinat de Duket changèrent tout cela, car vous êtes alors entré en scène et avez tellement effrayé les rebelles qu’ils engagèrent des tueurs à gages pour vous suivre et vous éliminer.
Il semblerait également — mais je ne vous en blâme pas ! — qu’Alice-atte-Bowe ait tenté par d’autres moyens de vous détourner de votre devoir. Heureusement, aucune tactique n‘a réussi. Le criminel qui a avoué, Peter, confessa également qu’il ne savait pas où se trouvait actuellement ladite
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