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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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tard au lit. Grillant les cigarettes les unes derrière les autres. La fenêtre de ma chambre ouverte s’il y avait un ruisselet de soleil. Nu sur le lit. Bien. Conscient de tout mon corps. De son poids. De sa réalité heureuse. Le sang circule. Arrose. Draine. Le cœur tape. Régulier. La peau a chaud. C’est la vie bonne. Et Dieu par-dessus tout cela. Qui distribue tout cela. Cœur. Sang. Chaleur. Mille et mille fois merci ! Mille fois mille mercis ! À moi d’en profiter. La vie n’a pas, la vie n’a jamais eu un sens expiatoire. La manière de vivre, c’est d’entonner le credo à pleine voix, et tant pis si la voix est fausse à hurler, ce n’est vraiment pas ça qui est important.
    J’écoutais en dilettante les bruits concassés de la rue, en bas, le piétinement auquel j’avais volontairement décidé de me soustraire pour un jour.
    Plus d’habillement en hâte à la dernière seconde. Plus d’escaliers débaroulés quatre à quatre. Coup d’œil nerveux sur la pendule dans le hall moite de l’hôtel. Goût vaporeux, écœurant, des cafés au lait de la clientèle. Sur la banquette en peluche rouge de l’entrée, le chat castré, énorme, qui n’a pas fini de dormir, lui, moins con, ventre en l’air, sans roupettes, pauvre eunuque, à l’image même du monde. Le noir pisseux à la verse, au bistrot de l’angle, dans le verre à pied épais, un soupçon de rouge à lèvres sur le bord, la bouche peinte d’une femme qui a bu avant vous. Ses lèvres. Au même endroit que les vôtres. Contact. Sucette. Un patin dans l’abstrait. Quel âge pouvait-elle avoir ? Huit chances sur dix pour que ce soit une jeune vendeuse ou une sténo des bureaux environnants. Encore toutes fraîches. Fringantes. Bien tenues. Pas du tout répugnant de boire dans le verre. Pourquoi ? On en fait bien d’autres une fois au lit sans se connaître davantage. Parfum vague du rouge. Plutôt sucré. Même odeur que dans les cimetières de campagne. Ou près d’un mort de trois jours en pièce close. Léger. Léger. Une saveur d’âme. Cette femme qui vous a précédé. A passé sa nuit à quoi faire ? À dormir, peut-être, et c’est tout. N’arrivent pas à se faire cloquer toutes chaque nuit. S’allongent dans les draps, solitaires. Est-ce qu’elles y pensent longtemps avant de s’endormir ? Les doigts glissant le long des sexes, distraits. Pianotant un rêve irréalisable. Petite démence de nuit. Des milliers, des milliers, des milliers de ventres disponibles chaque nuit dans une ville. Ne refuseraient probablement pas la visite. Un bon membre d’homme. Des tas qui ne demanderaient en somme qu’à vous mordiller le bout en pompant ferme avec leur petite poire aspirante. Si l’on pouvait entrer un peu partout dans les chambres, à toute heure, en passant, sans anicroche. Dire : voilà c’est moi, j’étais dans le quartier, j’en ai profité pour monter. Tomber le pantalon et se les farcir incognito. Dévorer leurs petites moules poilues, lichettes de bas en haut, doucement, et mordre, chien-chien, comme un bonbon liqueur, pour le plaisir commun, sans histoire, sans excuse, sans parlote. Même pas voir leurs gueules démaquillées, ne même pas savoir si elles ont un regard, un sourire, un brin d’âme ou quoi ou qu’est-ce. Rien que leur trou carmin déplié dans un projecteur approprié. Et puis, baste ! Une fois le jus lâché, un bon somme, la pine encore raide contre leurs fesses. Terminus pour tout le monde. Ou s’en aller poliment sur la pointe des pieds pour ne pas les déranger de leur béatitude épanouie de femme parfaitement ramonée comme il est prouvé qu’elles en ont besoin de temps à autre. Manger un morceau en sortant. Menu froid. Retrouver des copains sur une banquette de brasserie. Sicelli, Martin, Wierne ou un autre, et discuter poésie ou problèmes occultes, détendu, juste le goût aigrelet du con sur la langue, et rincette de vin blanc sec pour faire passer le tout. Sec et limpide. Le rut dans l’anonymat. Mais rien à faire. Fariboles. Chimères. Songe-creux du temple vaginal.
    La fantaisie en verve au réveil devant des empreintes de lèvres sur un verre de café bouillant. Croisillons menus de la peau comme une peinture de fou visionnaire à l’univers barricadé, impénétrable. Émouvant, toutefois. Oh, combien émouvant !
    Quelle vie ce serait d’aller trouver une de ces femmes qui boivent au comptoir leur café du matin, pressées, finissant de se coiffer

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