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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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Laisserait volontiers tout tomber, nouilles au blanc et dessert, pour aller en tirer un en vitesse, debout ou à quatre pattes s’il le fallait, pourvu que l’envie passe. Jette autour d’elle des regards, les yeux vides, cette seule pensée en tête. Et le client d’en face, corpulent, qui lorgne les nichons de la fille, l’air de rien, sérieux, la fourchette dans la bouche. Font des discours. Ils improvisent. Parlent d’eux-mêmes et choisissent leur langage quand une femme baisable vient s’asseoir à leur table. N’ont tous que le cul pour point de mire en définitive. Quelques femmes, engageantes, qui ergotent, pas timorées, à égalité avec les mâles dans la discussion sur le sujet d’élite : le sexe. Le sexe et ses contours obscurs qu’on aborde quand même prudemment, en allusions, en savoir-faire, tout en gloussant pas mal, sans oser trop aller plus loin. Elles donnent leur avis, ouvertement. Se prononcent pour le plaisir pur et simple. Le coït nature. Une queue est une queue et rien n’est meilleur que de l’avoir où il faut. Pourquoi se priver ? Elles ont franchi la pudeur de leur sexe aux approches de la quarantaine. Voyant venir la ménopause, la cellulite, le poids des chairs, qu’on ne bandait plus autant sur leur passage. Elles ont remisé leurs sentiments toujours si prompts à s’enflammer. Frémissent du cœur, mais en sourdine. Veulent se raccrocher à l’ultime chance : la queue toute seule. Plus d’accessoires. Pouvoir jouir avec un homme dedans. Dernier moyen de se faire ferrer jusqu’aux extrêmes limites de l’âge. Qu’en pensez-vous ? Moi, rien personnellement. Je mâchonne un morceau de foie de veau persillade, ou n’est-ce peut-être que le cordon ombilical d’une guenon qu’on a passé à la sauteuse. Je suis incurablement seul dans ce chaos miniature. De l’autre côté du mur invisible qui m’empêche d’aller vers eux. Par distraction je pique un ravioli saignant dans l’assiette de ma voisine, l’esprit ailleurs. Nos couverts se touchent, c’est la raison. Elle s’évertue aussitôt à me persuader qu’elle ne m’en veut pas du tout de cette bévue. Sans doute suis-je un original, elle l’avait remarqué. À ma façon, oui. Produit naturel d’une jument et d’un paratonnerre, si le registre de l’état civil est exact. Ne vous en faites pas pour moi. Mon étoile brille dans le caniveau d’en face. Je n’ai qu’à aller la ramasser. Prétexte à bavardage. Sous-entendu de sa part dès le début qu’il n’est pas impossible que nous finissions cet entretien dans les cuisses l’un de l’autre. Tous les originaux qu’elle a connus dans sa vie. À peine adolescente déjà. Pense qu’elle a un fluide qui les attire. Les aimait surtout pour leur tempérament artiste et l’aide spirituelle qu’elle leur apportait. Une sorte de mère incestueuse, ajoute-t-elle, riant sous cape, gorge chaude. Leur dispensait à tous son réconfort. Sa présence stimulante. Et ma bite, madame, vous stimulerait-elle ? À besoin de se consacrer aux autres. Exclusivement. De les révéler à eux-mêmes dans certains cas. Connaît par expérience les chicanes de la vie. Sait demeurer à sa place dans les coulisses du génie. Ne surgir qu’au moment opportun. Adore les arts. La musique plus spécialement. Bach. Mozart. Cimarosa. Incontestablement douée pour le piano. Et pour la masturbation, chère madame ? A malheureusement dû abandonner ses études. La vie est ce qu’elle est. Se meurt également pour un Rubens, un Corot, pour un détail de fresque ancienne. Souffre horriblement de l’épaisseur de ses contemporains. Nature excessive s’il en est. Vibre d’un rien. S’étonne elle-même de sa fragilité. Cherche maintenant, à l’instar de ses sœurs, l’homme adéquat qui maçonnerait le nid d’amour, rideaux de cretonne et panoplie soporifique de la forteresse conjugale. Saurait créer un climat tempéré favorable au développement de sa pensée. Une existence montée sur pantoufles fourrées. Sa voix savonneuse clapote à mon oreille dans le remous confus. Manivelle. Moulin sourd. Inflexions par instants rocailleuses, que je connais bien. Ne vous donnez pas la peine. Tout cela coule des ovaires. À la verticale. Comme si vous me parliez avec votre con en porte-voix. C’est tout ce que je retiendrai de notre conversation. Elle se penche, s’approche, frôleuse. Je donnerais cher pour qu’elle le pose tout cru sur le bord de son assiette,

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