Septentrion
la rose d’été.
Qu’est-ce que je fous dans cette chambre bonbonnière au lieu d’aller vivre ma misère, mes privations mon désespoir ? Mon destin. Qu’est-ce que j’attends pour ouvrir le robinet ? Cette femme me fournit le boire et le manger, mais je n’ai besoin de pain que pour communier avec l’espace. Comme je n’ai besoin d’un sexe que pour me fondre dans le germe de la conception. Écrire, c’est ne jamais trouver. À quoi bon en attendre autre chose ?
Bon Dieu ! quel bien ça me fait de retrouver le fil de ces vieilles vérités que je trimballe en moi depuis l’époque où je me suis mis à gribouiller ! Il y a belle lurette que je n’avais plus fait un pareil tour d’horizon. Cette pauvre folle ne sait pas quel service elle va me rendre en me remettant sur le sentier de la guerre. Je n’ai jamais complètement oublié où était ma véritable place. Ce sera comme si j’avais vécu une éclipse de plusieurs mois. Incursion chez Aladin. La fringale d’écrire me chatouille délicieusement la cervelle. J’ai faim. Faim de mots, de phrases, de paragraphes, de pages, de ponctuations, de livres, de rêves éveillés, de personnages. Faim de Verbe. Faim de Vie. Vivre ma vie. Dans mon cas, cela signifie : vivre pour interpréter la vie. Et parce qu’il y a Dieu, je suis un désespéré joyeux. Puiser la vie en moi et la faire jaillir sur le papier. Chaude. Rayonnante. Et un jour, dans des dizaines d’années, je reviendrai par la pensée dans cette chambre saturée de parfum, j’entrerai sur la pointe des pieds comme un cambrioleur, Nora sera encore assise à sa coiffeuse, des bouts de coton maculés de fard en tas à côté d’elle, massant toujours ses rides que rien ne peut effacer. Je la prendrai ainsi, en négligé, grosse rousse blafarde, pour la glisser entre les pages de mon herbier anatomique – à la rubrique Floris-Sexonékros.
Et maintenant, vous pouvez sonner le glas. Carillonnez, cloches de l’Advènement. En mettant les choses au pire, je ne serai jamais qu’un homme en marge qui accepte bien volontiers de payer sa liberté rubis sur l’ongle, dût-elle lui coûter ce minimum de confort et de repos d’esprit auquel aspire le plus humble d’entre nous. Pour vous mettre à l’aise, sachez que j’étou ff e dans la cage dorée. Chez moi, nous serions plutôt de la race migratrice. Ancestralement dispersés suivant la girouette. Nomades solitaires. C’est pourquoi mon œil gauche, si vous le regardez de près, ressemble à la Rose des Vents telle que l’employaient autrefois les vigoureux pirates de l’océan Zostérops, appelé à tort océan Kélotomique. Comprenne qui pourra, et si j’ai un conseil à vous donner, c’est de faire vos valises et d’entreprendre une longue croisière dans ces parages favorisés des dieux. Écrivez-moi à l’hôtel Atlas, chambre 65.325, la porte à côté des chiottes. Les pigeons voyageurs desservent régulièrement ce coin secret de la Cité des Tentacules. C’est du reste un peu la raison qui m’a poussé à m’y loger. Votre tout premier message pourra me parvenir avant l’aube prochaine si vous câblez sans perdre une seconde. Je me trouverai dans ma chambre à l’heure dite, certainement en train d’épiloguer tout seul sur l’orientation capricieuse de ma destinée.
Je vous écoute, Nora.
Je la reverrai toujours se lever du petit siège en tapisserie garni de volants roses. Refermer d’une main le col du peignoir. S’avancer vers moi comme si elle avait mission de m’hypnotiser. Le mouvement soulève le tissu souple, fend sa cuisse nue de bas en haut. Parce que je crois que c’est la dernière fois que je la vois chez elle, je me mets à avoir envie d’en tirer un solide. Mieux : soudain, inexplicablement, je prends idée de l’enculer. Pas seulement le bout du nœud, ce à quoi elles consentent toutes plus ou moins avec plus ou moins de chinoiseries, mais le lui planter jusqu’à la garde, m’acquitter d’un dépucelage complet sous cette latitude. Gros œuvre qui risque fort d’avoir été négligé jusqu’ici. Façon élégante, je pense, de se séparer bons amis. J’en ai des frémissements. La marotte testiculaire reprenant le dessus, je ne me soucie plus de ce qu’elle a à me dire quand, s’asseyant à ma droite sur le lit, elle repousse fermement la main que j’avance pour écarter la soierie. Le dialogue s’engage malgré moi.
— Attendez, chéri… Il faut ke je parle à
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