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Septentrion

Septentrion

Titel: Septentrion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Calaferte
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ce n’est rien. Ça va passer. Tout passe. Le rire dans les larmes, l’amour dans l’habitude, la vie dans la mort et Dieu dans les fonts baptismaux.
    Que votre règne arrive, Nora la vampiromane, que votre volonté soit faite, donnez-nous notre pain de chaque jour, notre nausée de chaque jour, notre argent, notre sexe, notre crapulerie quotidienne, pardonnez-nous nos meurtres inavoués comme nous nous les pardonnons si facilement à nous-mêmes, ne semez pas la tentation sous nos pas, délivrez-nous de cette hantise de mal vivre le peu que nous avons à vivre, et allons-y gaiement, sortons les masques, chaque lendemain ramène le Mardi gras du Carnaval d’Épouvante.
    Ce n’est d’ailleurs pas une raison pour ne pas mettre mon projet à exécution. Venez vous asseoir ici, chérie. Ici. Sur ce petit bout de chair. Mon sexe. Sur le pilier du monde.
    Le bouquin attendra bien encore un peu…
    Danse de mort sur les pointes. Nous nous acheminons vers le déclin. Comme je pouvais m’y attendre, quelques mois seulement de cette vie en commun sous le même toit ont suffi pour que ça tourne au cauchemar. Fiasco sur toute la ligne.
    Après ce temps de galop sous la cravache Van Hoeck, l’ambiance maison est comme qui dirait doucement teintée d’épilepsie rasante. S’il me reste pour elle un semblant de sentiment, ce serait, je crois, une haine glaciale. Réfléchie. Quelque chose comme une arme blanche qui étincelle sur le velours de la panoplie.
    Cent fois plus folle et cent fois plus hystérique encore que tout ce que j’aurais pu imaginer. Même avec de la patience, même avec une patience angélique, elle rendrait fou n’importe quel homme. En résumé, la vie est intenable, et au point où nous en sommes, à moins de me laisser digérer par elle, pas d’autre solution en vue que la rupture pure et simple. Ce à quoi je me prépare activement avec toujours ma vieille idée de me prémunir, afin de m’attaquer au grand œuvre, liberté reconquise. Une démangeaison caractéristique me laisse présager que j’enfilerais les mots comme des perles si, toutefois, j’avais une chance de pouvoir m’isoler régulièrement deux ou trois heures par jour. Ici, pas moyen. Ce serait trop lui demander. Ici, qu’on le veuille ou non, c’est le jeu de massacre privé de Mlle Orthoptère, que je désigne aussi parfois du nom androgynien de Mante hermophile, ce qui revient au même. Mon envie d’écrire refoulée a une part capitale dans ma nouvelle conception des réalités. J’échangerais volontiers ma dernière chemise contre un coin tranquille, disons mon ancienne chambre d’hôtel, et quelques mois de solitude plume en main. Chaque jour qui passe me fait amèrement regretter mon indépendance et tout ce temps perdu sans résultat.
    En quel honneur ai-je accepté de venir de mon plein gré me fourrer sous le couvercle de la chaudière ? Coup d’amnésie, pour sûr. Dieu m’est témoin que je m’interroge tous les matins au réveil en ouvrant l’œil, couché à côté du vieux bouc qui va me réclamer sa pâture matinale. Fureur utérine, pour ne pas changer. Bander pour elle est devenu au-dessus de mes forces. Il faut qu’elle me masse la queue un bon moment avant que ça se décide. Micmac préliminaire pas fait pour réchauffer la température. Origine de la plupart de nos bagarres de ces temps derniers. Mais ce dont elle n’a peut-être pas idée, c’est à quel point j’en ai marre d’elle. De la vie avec elle. De ses scènes. De son charabia. De son caractère. Des mornes tête-à-tête. Marre !
    Cet épisode en vase clos me convainc que je n’ai plus qu’à lever l’ancre, nanti si possible d’une somme rondelette qui couvrira les premiers frais de l’expédition.
    En attendant, j’avale les couleuvres. Avoir cette bonne femme devant moi toute la journée me rend malade. Je ne peux plus la piffrer. Plus la voir en peinture. Quoi qu’elle dise. Quoi qu’elle fasse. Ça tombe toujours à côté. J’ai envie de la touiller, de la piler. Sa présence est devenue obsédante à un rare degré de saturation. Comme si vous ne pouviez vous défaire du ver solitaire ou que dix mille sangsues affamées aient trouvé le moyen de se faufiler dans votre crâne, suçant et pompant là-dedans à qui mieux mieux. Elle me crispe. Elle m’agace. Sa voix m’agace. Ses gestes m’agacent. Ses manières de faire m’agacent. Ses intentions aussi m’agacent, quand elle se mêle d’être à peu près

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