Sépulcre
d’occultisme. Certains m’ont paru très rares.
Anatole mit un certain temps à répondre.
— Tu m’as accusé plus d’une fois d’être assommant, avec mes histoires de livres anciens, finit-il par dire. Je n’avais pas envie de t’ennuyer.
— Au nom du Ciel, Anatole, qu’est-ce qui t’arrive ? s’exclama Léonie en riant. D’après ce que tu m’en as dit toi-même, je sais qu’un bon nombre de ces livres est jugé peu recommandable. Même à Paris. On ne s’attendrait pas à les trouver dans un endroit comme ici. Et j’ai trouvé curieux que tu ne m’en aies pas parlé…
Anatole se contenta de tirer sur sa cigarette.
— Eh bien ? insista-t-elle.
— Eh bien quoi ?
— Eh bien pourquoi fais-tu mine de ne pas t’y intéresser ? Et pourquoi notre oncle avait-il une collection de ce genre aussi bien fournie ? Tante Isolde ne nous en a pas parlé.
— Si, répondit-il vivement. Décidément, tu trouves toujours à la critiquer. Tu n’as pas beaucoup d’estime ni d’affection pour elle, dirait-on.
Léonie rougit.
— Tu te trompes. Je trouve tante Isolde tout à fait charmante, protesta-t-elle, et elle haussa un peu la voix pour l’empêcher de l’interrompre. Ce n’est pas notre tante, mais plutôt cet endroit qui m’inspire quelque inquiétude. Et la présence de ces livres d’occultisme dans la bibliothèque ne fait rien pour arranger les choses.
Anatole soupira.
— Je ne les ai pas remarqués. Tu te montes la tête. L’explication la plus logique, c’est que l’oncle Jules avait des goûts éclectiques et un esprit ouvert. Ou peut-être avait-il hérité de ces livres avec la maison.
— Certains sont très récents, s’obstina-t-elle, consciente qu’elle poussait les choses trop loin et qu’Anatole risquait de mal le prendre, mais c’était plus fort qu’elle.
— Et tu es experte en la matière, lui lança-t-il d’un ton si mordant qu’elle se recroquevilla sur sa chaise.
— Non, mais justement. Toi, tu t’y connais. D’où ma surprise que tu n’aies pas jugé bon de mentionner la collection.
— Depuis ton arrivée ici, tu cherches à faire mystère de tout. Franchement, je ne comprends pas ton attitude.
Léonie se pencha en avant.
— Je te le dis, Anatole, il y a quelque chose d’étrange concernant le Domaine, que tu veuilles ou non l’admettre… À dire vrai, je me suis même demandé si tu étais bien allé dans la bibliothèque.
— Ça suffit ! rétorqua-t-il d’une voix chargée de menace. Quel esprit retors tu as aujourd’hui !
— Tu m’accuses de vouloir à tout prix voir du mystère là où il n’y en a pas. C’est possible. Mais pourquoi t’ingénies-tu à prendre le contre-pied ?
— Et tu continues ! s’insurgea Anatole en levant les yeux au ciel. Écoute, Isolde nous a fait le meilleur accueil. Sa position n’est pas facile, et s’il y a quelque chose de bizarre, il faut l’attribuer au fait qu’elle-même est une étrangère dans cette maison, parmi des domestiques qui y travaillent depuis longtemps, et qui doivent voir d’un mauvais œil que cette nouvelle venue soit maintenant leur maîtresse. D’après ce que j’ai cru comprendre, Lascombe était souvent absent, et je suppose que le personnel avait l’habitude de tout régenter lui-même. De telles remarques sont indignes de toi.
— Je voulais seulement…
Avec une moue de dépit, Anatole jeta sa serviette sur la table.
— Moi, tout ce que je voulais, c’était te trouver un bon livre pour te tenir compagnie hier soir, que tu ne te sentes pas trop dépaysée, dit-il avec froideur. Isolde ne t’a montré que de la gentillesse, pourtant tu t’obstines à voir le mal partout.
L’esprit belliqueux de Léonie s’évapora. Pourquoi avait-elle cherché depuis le début à le forcer dans ses retranchements ? Elle ne s’en souvenait déjà plus.
— Désolée si j’ai dit quelque chose…, commença-t-elle, mais il était trop tard.
— J’ai beau tenter de te raisonner, tu ne peux t’empêcher de faire des histoires à propos de tout et de rien avec l’esprit tordu d’une sale gamine, lui assena-t-il, puis il saisit sa canne et son chapeau d’un geste brusque. Il est inutile de poursuivre plus longtemps cette conversation. Le cabriolet nous attend.
— Anatole, s’il te plaît, le supplia-t-elle, mais il traversait déjà la place.
Atterrée, Léonie n’eut d’autre choix que de le suivre. Elle était partagée
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