Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Kate Mosse
Vom Netzwerk:
veste en velours brun, un feutre sur la tête, et un foulard rouge noué autour du cou. Le garçon, qui avait dans les onze ou douze ans, allait tête nue et portait une chemise sans col.
    Léonie descendit les marches à leur rencontre. En la voyant approcher, le jardinier ôta son chapeau en feutre brun et le tint dans ses doigts maculés de terre.
    — Bonjour.
    — Bonjorn, madomaisèla, grommela-t-il.
    — Il fait une belle journée.
    — L’orage approche.
    Léonie contempla d’un air sceptique les quelques nuages vaporeux disséminés telles de petites îles dans une immensité bleue.
    — Le ciel semble dégagé, remarqua-t-elle.
    — Il attend son heure, répondit le vieux en découvrant une rangée irrégulière de chicots noirâtres. L’orage, c’est l’œuvre du diable. Tous les anciens signes sont là, et ils ne trompent pas. On a entendu de la musique sur le lac, la nuit dernière.
    En sentant son haleine fétide, Léonie se recula instinctivement, troublée malgré elle par la conviction du vieil homme.
    — Que voulez-vous dire ? lança-t-elle, un peu sèchement.
    Le jardinier se signa.
    — Le diable se promène. Chaque fois qu’il sort du lac de Barrenc, il apporte avec lui de violents orages qui se pourchassent à travers tout le pays. Le défunt maître avait envoyé des hommes pour combler le lac, mais le diable est venu leur dire comme ça que, s’ils continuaient leur travail, Rennes-les-Bains serait noyée sous les eaux.
    — Ce ne sont que de vaines superstitions.
    — Un pacte a été conclu, ce n’est pas à moi de dire pourquoi ni comment, mais le terme de l’accord, c’était que les ouvriers s’en aillent. Le lac fut laissé en l’état. Mais maintenant, mas ara , l’ordre naturel a de nouveau été renversé. Tous les signes sont là. Le diable va venir réclamer son dû.
    — L’ordre naturel ? murmura-t-elle. Qu’entendez-vous par là ?
    — Il y a vingt et un ans, le défunt maître a appelé le diable, marmonna-t-il. La musique s’entend quand les fantômes sortent du tombeau. Ce n’est pas à moi de dire pourquoi ni comment. Le prêtre est venu.
    — Le prêtre ? Quel prêtre ? demanda-t-elle, intriguée, en fronçant les sourcils.
    — Léonie !
    En entendant la voix de son frère, elle fit volte-face, soulagée d’échapper au vieillard et à la fois un peu gênée de lui tourner le dos. Anatole lui faisait signe depuis la terrasse.
    — Le cabriolet est prêt, lui cria-t-il.
    — Gardez bien votre âme, madomaisèla, marmonna le jardinier. Quand l’orage vient, les esprits sont libres d’errer et ils marchent sur la terre.
    Elle fit le calcul mentalement. Il y a vingt et un ans, avait-il dit, ce qui donnait 1870. Elle frissonna. Dans son esprit, elle revit la même date imprimée sur la première page du livre Les Tarots, correspondant à l’année de sa publication.
    Les esprits sont libres d’errer et ils marchent sur la terre.
    Les paroles du jardinier faisaient si bien écho avec ce qu’elle avait lu le matin même qu’elle en était troublée. Elle s’apprêtait à lui poser encore une question, mais le vieillard avait déjà remis son chapeau et repris ses travaux. Elle hésita un instant puis, relevant ses jupes, remonta les marches à pas légers pour rejoindre son frère.
    C’était intrigant. Pour ne pas dire inquiétant. Mais Léonie décida que rien ne viendrait gâcher le temps qu’elle allait passer avec Anatole.
    — Bonjour, dit-il en se penchant pour poser un baiser sur sa joue empourprée, et il la considéra des pieds à la tête. Tu pourrais peut-être faire preuve d’un peu plus de décence ?
    Léonie baissa les yeux sur ses bas éclaboussés de boue, bien visibles sous ses jupes relevées. Elle fit la moue et lissa ses jupes.
    — Voilà. Ça ira comme ça ? Suis-je assez respectable pour môssieur Anatole ? dit-elle en lui prenant le bras.
    Ils traversèrent la maison pour gagner le devant et montèrent en voiture.
    — Tu as déjà fait de la couture ? lui demanda-t-il en remarquant un morceau de fil rouge collé à sa manche. Quelle petite femme travailleuse !
    — J’ai juste cherché quelque chose dans ma boîte à ouvrage, répondit-elle en ôtant le fil, sans même rougir du mensonge qui lui était venu si spontanément.
    Le cocher fit claquer son fouet et la voiture s’engagea dans l’allée.
    — Et tante Isolde, elle n’a pas voulu nous accompagner ? questionna Léonie en haussant la

Weitere Kostenlose Bücher