Sépulcre
sur son front. Meredith se retint d’avancer la main pour l’écarter.
— Au moins, l’église est ouverte, dit-il.
Elle le rejoignit. Sa présence lui faisait un tel effet qu’il semblait occuper toute la largeur du chemin. Il lui montra le porche triangulaire qui surplombait la porte et lut l’inscription qui y figurait.
— TERRIBILIS EST LOCUS ISTE… « Cet endroit inspire de la terreur », dit-il en se raclant la gorge. Vous pouvez imaginer combien cette citation a elle aussi alimenté toutes les théories du complot qui entourent Rennes-le-Château.
Ce fut surtout l’autre inscription, à peine lisible, qui retint l’attention de Meredith, IN HOC SIGNO VINCES. À nouveau le précepte de l’empereur Constantin, comme sur le mémorial d’Henri Boudet à Rennes-les-Bains. Elle revit le jeu de cartes étalé sur la table, chez Laura. L’Empereur était l’un des arcanes majeurs, près du Magicien et de La Prêtresse, au début du tirage. Et son prénom était aussi le mot de passe qu’elle avait tapé depuis sa chambre d’hôtel pour accéder à Internet et consulter son courrier…
— Qui a décidé du mot de passe électronique pour l’hôtel ?
— Mon oncle, répondit Hal sans hésiter, un peu surpris toutefois de la voir ainsi sauter du coq à l’âne. Papa n’était pas du tout doué en informatique. On y va ? lui dit-il en lui prenant la main.
La première chose qui frappa Meredith quand ils entrèrent dans l’église, ce fut sa petitesse. Elle semblait avoir été construite sur une échelle de trois-quarts, et cela faussait les perspectives.
Sur le mur de droite étaient placardés des avis écrits à la main, en français et dans un anglais approximatif. De la musique de chœurs enregistrée filtrait par des haut-parleurs discrets, suspendus dans les coins.
— Le diocèse a fait du ménage, expliqua Hal en baissant la voix. Ils se sont évertués à expurger tout ce qui nourrissait les rumeurs de trésor mystérieux et de sociétés secrètes, en essayant d’insuffler à la place un message catholique. Là, par exemple, dit-il en désignant l’un des panneaux. « Dans cette église, le trésor, c ’ est vous. »
Mais Meredith était en arrêt devant le bénitier situé juste à gauche de la porte. Il reposait sur les épaules d’une statue d’environ un mètre de haut, représentant un diable au faciès rouge malveillant, au corps déformé, aux yeux d’un bleu perçant. Elle l’avait déjà vu. Du moins une image de lui, sur une table à Paris, parmi les arcanes majeurs que Laura étalait en début du tirage.
Le Diable. Carte XV du tarot Bousquet.
— C’est Asmodée, déclara Hal. Le gardien traditionnel des trésors, des secrets, maçon du Temple de Salomon.
Avançant la main, Meredith sentit le contact froid et crayeux de la statue sous ses doigts. Elle regarda le démon grimaçant, ses mains griffues, et ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil en arrière, vers la statue de Notre-Dame de Lourdes figée sur son pilier, dehors.
Secouant un peu la tête, elle leva les yeux vers la frise au-dessus. Un tableau représentait quatre anges dont chacun esquissait un des gestes du signe de croix, et le précepte de l’empereur Constantin y apparaissait encore, en français cette fois. Les couleurs du tableau étaient fanées, écaillées, comme si les anges étaient en train de perdre la bataille.
En dessous, deux basilics encadraient un encart contenant les lettres BS.
— Ce pourrait être les initiales de Bérenger Saunière, dit Hal. Ou celles de Boudet et Saunière accouplées, ou bien encore celle de la Blanque et de la Salz, deux rivières locales qui se rejoignent dans un bassin naturel appelé le Bénitier. Tout près d’ici.
— Les deux prêtres se connaissaient bien ?
— Oh que oui. Boudet avait servi de mentor au jeune Saunière. Au tout début de son ministère, il avait passé quelques mois à la paroisse de Durban, non loin d’ici, et s’était lié d’amitié avec un troisième prêtre, Antoine Gélis, qui fut par la suite curé de la paroisse de Coustaussa.
— Je suis passée par là hier, dit Meredith. L’endroit semblait n’être qu’un tas de ruines.
— C’est vrai pour le château. Mais le village est habité. Disons plutôt le hameau, car il ne compte que quelques maisons. Gélis est mort en d’étranges circonstances. Il a été assassiné en 1897, la veille de la Toussaint.
— On n’a jamais
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