Sépulcre
tact.
— Pas le moins du monde. Hal a dû vous en parler, la journée d’hier n’a pas été facile, pour nous. Ce n’est pas une excuse, mais…
— Bien sûr. Toutes mes condoléances, monsieur Lawrence.
Comme Hal, il avait cette façon de fixer les gens sans ciller, d’un regard qui semblait effacer tout le reste, et aussi, malgré les trente ans qui les séparaient, ce charisme particulier, cette étonnante présence physique. Elle se demanda si le père de Hal avait lui-même ces qualités.
— Merci. Je vous en prie, appelez-moi Julian. Oui, ce fut un choc… En parlant de mon neveu, vous ne sauriez pas où il a pu aller ? J’avais cru comprendre que vous visiteriez Rennes-le-Château ce matin, mais qu’il serait de retour vers midi. Il faudrait que je le voie.
— Nous sommes bien allés à Rennes-le-Château, mais il a eu un appel du commissariat et il a dû me déposer avant de se rendre à Couiza pour un rendez-vous urgent.
Julian ne changea pas d’expression, mais elle vit son regard s’aiguiser et regretta aussitôt de n’avoir pas su tenir sa langue.
— Un rendez-vous ?
— Il n’a pas précisé avec qui ni pourquoi, s’empressa-t-elle d’ajouter.
— C’est dommage, j’avais besoin de lui parler. Enfin, ça peut attendre, dit-il en haussant les épaules. J’espère que vous profitez bien de votre séjour chez nous ? Tout se passe selon vos désirs ? s’enquit-il d’un air affable, mais son regard démentait la chaleur de son sourire.
— C’est parfait, dit-elle en jetant un coup d’œil vers l’escalier pour s’esquiver. Veuillez m’excuser, mais… j’ai un travail à terminer.
— Ah oui, acquiesça-t-il. Hal m’a dit que vous étiez écrivain. Vous êtes ici dans un but précis ?
Meredith se sentit coincée, comme prise au piège.
— Pas vraiment, répondit-elle. Juste quelques recherches.
— Ah, très bien, dit-il en lui tendant la main. Dans ce cas, je ne vous retiens pas plus longtemps.
Par courtoisie, Meredith lui serra la main, mais cette fois, le contact de sa peau lui fut désagréable. Sa pression avait quelque chose de trop… insistant.
— Si vous voyez mon neveu avant moi, dites-lui bien que je le cherche.
— Entendu, lui assura Meredith.
Il se tourna et traversa le hall sans un regard en arrière.
Meredith resta un moment figée sur place, déconcertée par l’attitude de cet homme sûr de lui, qui savait manifestement se dominer, et par l’étrangeté de leur échange. Puis elle s’en voulut de lui donner de l’importance et inspira profondément.
Sors-toi ça de la tête ! se raisonna-t-elle.
Elle regarda autour d’elle. La réceptionniste était occupée et lui tournait le dos. D’après le brouhaha qui sortait de la salle du restaurant, Meredith se dit que presque tous les clients devaient être en train de déjeuner. C’était l’occasion rêvée pour mettre son projet à exécution.
Elle traversa d’un pas rapide le sol en damiers rouges et noirs, contourna le piano et décrocha du mur la photographie des Vernier posant avec Isolde Lascombe. L’ayant glissée sous sa veste, elle revint sur ses pas et grimpa les marches deux par deux.
Ce ne fut qu’une fois dans sa chambre, après avoir refermé la porte derrière elle, qu’elle reprit son souffle. Elle s’arrêta un instant à l’entrée de la pièce, intriguée.
Il y avait quelque chose de différent dans l’atmosphère. Une odeur étrangère, subtile, presque imperceptible. Serrant les bras sur sa poitrine, Meredith se rappela son cauchemar. Arrête, se dit-elle en secouant la tête. Les femmes de chambre étaient venues faire le lit et un peu de ménage. Rien à voir avec ce qu’elle avait ressenti durant la nuit. Rêvé, plutôt. Ce n’était qu’un rêve.
Alors, elle eut vraiment l’impression que quelqu’un était dans la chambre avec elle. Une présence, une fraîcheur dans l’air…
Mais non. C’était juste un léger relent, sans doute dû à l’usage d’un désinfectant ou d’un quelconque produit d’entretien. Pourtant elle ne put s’empêcher de plisser le nez. Comme une odeur de mer, d’eau saumâtre stagnant sur le rivage.
50.
Meredith alla tout droit à la penderie, en retira le jeu de tarot, et déplia minutieusement les quatre coins de soie noire comme si les cartes à l’intérieur étaient en verre.
Bizarre…
Dans son souvenir, La Justice était sur le sommet de la pile quand Laura lui avait tendu le jeu
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