Sépulcre
puis M. Baillard, absent depuis plusieurs semaines, lui manquait. Si elle passait sans s’arrêter et découvrait plus tard qu’elle avait raté l’occasion de renouer avec lui, elle ne se le pardonnerait jamais.
S’il y a une lettre, elle y sera toujours dans dix minutes, songea-t-elle.
Léonie s’avança pour frapper à la porte.
Personne ne répondit. En collant l’oreille à la porte, elle distingua enfin un bruit de pas sur un sol carrelé.
— Oc ? fit une voix d’enfant.
Elle recula d’un pas quand la porte s’ouvrit, soudain timide à l’idée de s’être ainsi invitée. Un petit garçon aux cheveux sombres et aux yeux couleur de mûre la dévisageait.
— M. Baillard est-il là ? Je suis Léonie Vernier. La nièce de M me Lascombe. Du Domaine de la Cade.
— Il vous attend ?
— Non. Je passais par là alors je me suis permis de lui rendre visite à l’improviste. Si le moment est mal choisi…
— Que ès ?
Le garçonnet se retourna. Léonie sourit en entendant M. Baillard. Enhardie, elle éleva la voix.
— C’est Léonie Vernier, monsieur Baillard.
Quelques instants plus tard, la silhouette en costume blanc, qu’elle se rappelait si nettement depuis le soir du dîner, se profila au bout du couloir. Même dans la pénombre de l’entrée exiguë, Léonie pouvait distinguer son sourire.
— Madomaisèla Léonie, quel plaisir inattendu.
— Je faisais quelques courses pour ma tante – elle a été souffrante – et Pascal est parti devant. Je vous croyais absent de Rennes-les-Bains, mais quand j’ai vu les volets ouverts, j’ai…
Elle se rendit compte qu’elle babillait et se tut brusquement.
— J’en suis ravi, dit Baillard. Je vous en prie, entrez.
Léonie hésita. Bien qu’il eût bonne réputation, qu’il fût l’ami de tante Isolde et l’hôte du Domaine de la Cade, elle savait qu’il était inconvenant qu’une jeune fille entrât seule chez un homme.
Mais personne ne me verra, se rassura-t-elle.
— Merci. C’est bien aimable à vous, répondit-elle en franchissant le seuil.
71.
Léonie suivit M. Baillard dans le couloir, qui s’ouvrait sur une pièce agréable à l’arrière de la petite maison. Il n’y avait qu’une seule fenêtre, qui occupait la totalité d’un mur.
— Oh, s’exclama-t-elle, quelle vue magnifique, on dirait un tableau !
— En effet, sourit-il. J’ai de la chance.
Il fit tinter une clochette en argent posée sur une longue desserte basse à côté de la bergère à oreilles où il était manifestement installé quelques instants auparavant, près de la large cheminée de pierre. Le petit garçon réapparut. Léonie examina discrètement la pièce, toute simple, meublée de chaises dépareillées et d’une table boudoir derrière le canapé. Des étagères chargées de livres recouvraient entièrement le mur qui faisait face à la cheminée.
— Je vous en prie, asseyez-vous. Racontez-moi les nouvelles, madomaisèla Léonie. J’espère que tout va bien au Domaine de la Cade. Vous m’avez dit que votre tante était souffrante. Rien de grave, j’espère ?
Léonie retira son chapeau et ses gants, puis s’installa face à lui.
— Elle va beaucoup mieux. Nous avons été surpris par les intempéries de la semaine dernière et ma tante a pris froid. Le médecin a dû venir, mais le pire est passé et elle reprend des forces tous les jours.
— Son état peut en être affecté, dit-il. Il est encore un peu tôt pour se prononcer. Mais tout ira pour le mieux.
Léonie le dévisagea sans comprendre, mais à ce moment-là, le petit garçon revint avec un plateau en laiton où étaient posés deux gobelets en verre ainsi qu’un pichet en argent semblable à une cafetière, orné de motifs de losanges tourbillonnants, et sa question mourut sur ses lèvres.
— Il vient de Terre sainte, lui expliqua son hôte. Un vieil ami me l’a offert, il y a plusieurs années.
Le domestique lui tendit un verre rempli d’un épais liquide rouge.
— Qu’est-ce que c’est, monsieur Baillard ?
— Une liqueur à la cerise de fabrication locale, le guignolet. J’avoue que j’ai un faible pour cette boisson, particulièrement délicieuse avec ces biscuits au poivre noir. (Il hocha la tête et le garçon offrit l’assiette à Léonie.) Ce sont des spécialités locales. On peut en acheter n’importe où, mais selon moi, ceux des Frères Marcel sont les meilleurs.
— Je viens d’en acheter,
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