Sépulcre
passage cet automne-là ? Comme le lui avait rappelé son enquête en ligne de la veille, les gens ordinaires n’apparaissaient pas sur Internet. Il lui faudrait des noms, des dates, des lieux de naissance et de décès pour avoir la moindre chance d’obtenir des informations en épluchant les sites généalogiques.
Elle démarra l’ordinateur et se connecta. Elle fut déçue, mais pas étonnée, de constater que Mary ne lui avait pas écrit ; elle envoya un mail à Chapel Hill pour la mettre au courant de ce qu’elle avait découvert au cours des vingt-quatre heures précédentes et lui demander de vérifier quelques détails. Elle ne lui dit rien de Hal, ni de Léonie. Inutile de l’inquiéter. Elle termina son message en promettant de donner des nouvelles, puis cliqua sur « envoi ».
Comme elle avait un peu froid et soif, Meredith passa dans la salle de bains pour remplir la bouilloire. En attendant que l’eau bouille, elle parcourut des yeux les dos des livres sur l’étagère au-dessus de la commode. Son attention fut attirée par l’un d’entre eux, intitulé Diables, esprits maléfiques et fantômes de la montagne. Elle l’ouvrit. D’après la page de garde, il s’agissait d’une nouvelle édition de l’ouvrage d’un auteur local, Audric S. Baillard, décédé en 2005, qui avait vécu à Los Seres, un village des Pyrénées. On n’indiquait nulle part l’année de la première édition, mais c’était manifestement un classique local. D’après la quatrième de couverture, c’était l’ouvrage de référence en matière de folklore des montagnes pyrénéennes.
Meredith parcourut la table des matières. Les récits étaient répartis par localités – Couiza, Coustaussa, Durban, Espéraza, Fa, Limoux, Rennes-les-Bains, Rennes-le-Château, Quillan. L’illustration du chapitre consacré à Rennes-les-Bains était une photo en noir et blanc de la place des Deux-Rennes, prise vers 1900, à l’époque où elle s’appelait encore place du Pérou. Meredith sourit Le lieu lui semblait si familier. Elle pouvait même repérer l’endroit précis, sous les branches déployées des platanes, où son ancêtre avait posé pour le photographe.
La bouilloire siffla et s’arrêta avec un déclic. Elle versa un sachet de chocolat en poudre dans une tasse, ajouta deux sucres puis alla s’installer, avec le livre et la tasse, dans un fauteuil près de la fenêtre.
Les récits du recueil étaient tous semblables – histoires de diables et de démons remontant à plusieurs générations, voire à des millénaires, liant le folklore aux phénomènes naturels : le Fauteuil du Diable, la Montagne des Cornes, le lac du Diable, tous les noms qu’elle avait déjà repérés sur les cartes de la région. Elle revint à la page de garde, pour s’assurer qu’il n’y avait bien aucun indice sur l’année de la première édition. L’information n’y figurait pas. L’histoire la plus récente remontait au début des années 1900, mais comme l’auteur n’était mort que deux ans auparavant, il avait dû recueillir ces récits à une date plus récente.
Le style de Baillard était clair et concis, relatant les faits avec le minimum de fioritures. Meredith fut ravie de découvrir qu’un chapitre entier était consacré au Domaine de la Cade. La famille Lascombe en était devenue propriétaire après les guerres de Religion au cours desquelles catholiques et huguenots s’étaient affrontés, de 1562 à 1568. De vieilles familles avaient été spoliées de leurs biens au profit de parvenus récompensés pour leur loyauté, soit par la maison catholique des Guises, soit par la maison calviniste des Bourbons.
Elle parcourut rapidement les paragraphes. Jules Lascombe avait hérité de la propriété à la mort de son père, Guy Lascombe, en 1865. Il avait épousé Isolde Labourde en 1885, et était mort sans héritier en 1891. Elle sourit : un autre morceau du puzzle trouvait sa place. Elle contempla Isolde, la veuve sans âge de Jules, à travers la vitre du cadre. Puis elle songea tout d’un coup qu’elle n’avait pas remarqué le prénom d’Isolde sur le caveau familial des Lascombe-Bousquet à Rennes-les-Bains. Pourquoi ?
Encore quelque chose à vérifier, songea-t-elle.
Elle revint au livre. Baillard relatait ensuite les légendes liées au Domaine. Des rumeurs avaient couru pendant plusieurs années au sujet d’une bête féroce qui aurait terrorisé la campagne environnant
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