Sépulcre
torsades de cuivre battu, transparentes dans la lumière matinale, sur les épaules de sa robe rouge et jusqu’à sa taille. Une forme sans substance. Elle semblait soutenir le regard de Meredith, en lui renvoyant ses propres espoirs, ses craintes, ses rêves.
Puis elle s’éclipsa dans les bois.
— Léonie ? souffla Meredith au silence.
Elle monta encore la garde un moment à la fenêtre, fixant l’endroit où s’était dressée la silhouette, de l’autre côté du lac. L’air était immobile. Rien ne se mouvait dans l’ombre.
Elle finit par refermer la fenêtre.
Quelques jours auparavant – non, quelques heures à peine – elle aurait été morte de peur. Elle aurait redouté le pire. Elle se serait regardée dans le miroir, qui lui aurait renvoyé le visage de Jeanette.
Plus maintenant.
Meredith n’arrivait pas à se l’expliquer, mais tout avait changé. Elle avait l’esprit clair. Elle allait très bien. Elle n’avait pas peur. Non, elle n’était pas en train de devenir folle. Ces apparitions, ces visions formaient une séquence, comme un morceau de musique. Sous le pont à Rennes-les-Bains – l’eau. Sur la route de Sougraine – la terre. Ici à l’hôtel – et en particulier dans cette chambre, où la présence était la plus forte –, l’air.
Les épées, arcanes de l’air, représentaient l’intelligence et l’intellect. Les coupes étaient associées à l’eau et aux émotions. Les pentacles, à la terre, à la réalité physique, aux trésors. Des quatre séries, seul le feu manquait. Les bâtons, de la série du feu, de l’énergie et du conflit.
L ’ histoire est dans les cartes.
Ou alors, la séquence avait déjà été complétée, mais dans le passé plutôt que dans le présent, au cours de l’incendie qui avait dévasté une grande partie du Domaine de la Cade plus de cent ans auparavant…
Meredith reprit le jeu que Laura lui avait offert, retournant les cartes, scrutant les figures comme elle l’avait déjà fait la veille, pour les forcer à dévoiler leurs secrets. Tout en les étalant, elle laissa vagabonder son esprit. Elle repensa à sa conversation avec Hal, alors qu’ils se rendaient à Rennes-le-Château, sur la façon dont les Wisigoths enterraient leurs rois et leurs nobles avec leurs trésors dans des sépultures cachées plutôt que dans des cimetières. Des tombes secrètes sous des cours d’eau détournés le temps d’excaver le site et de préparer la chambre funéraire.
Si le jeu original avait survécu à l’incendie, dissimulé dans le Domaine de la Cade, quelle meilleure cachette qu’une ancienne sépulture wisigothe ? Le sépulcre, d’après Baillard, datait de cette période. S’il y avait une rivière dans le domaine, ce serait la cachette idéale. Visible de tous et pourtant totalement inaccessible.
Dehors, enfin, le soleil perçait entre les nuages.
Meredith bâilla. Elle avait le vertige tant elle manquait de sommeil, mais l’adrénaline bouillonnait dans ses veines. Elle jeta un coup d’œil au réveil. Hal avait dit que Shelagh O’Donnell passerait à 10 heures, mais elle avait encore une heure devant elle.
C’était bien suffisant pour ce qu’elle avait l’intention de faire.
Dans sa chambre de l’aile réservée au personnel, Hal pensait à Meredith.
Il l’avait aidée à se rendormir après son cauchemar mais n’avait pu retrouver le sommeil. Comme il ne voulait pas la déranger en allumant, il avait finalement décidé de s’éclipser pour regagner sa chambre et réviser ses notes avant son entretien avec Shelagh O’Donnell. Il voulait être préparé.
Il jeta un coup d’œil à sa montre. 9 heures. Dans une heure, il reverrait Meredith.
Ses fenêtres, au dernier étage, donnaient sur le sud et l’est : il avait une vue dégagée sur les pelouses et le lac ainsi que sur la cuisine et les offices. Il regarda l’un des portiers jeter un sac d’ordures dans une benne. Un autre, bras croisés pour se réchauffer, fumait une cigarette. Son haleine faisait des nuages blancs dans l’air matinal limpide.
Hal s’assit sur le rebord de la fenêtre, puis se leva et traversa la pièce pour prendre un verre d’eau, avant de se raviser. Il était trop nerveux pour se poser. Il savait qu’il ne devait pas espérer que Shelagh O’Donnell lui fournisse toutes les réponses à ses questions. Mais il ne pouvait s’empêcher de croire qu’elle serait à tout le moins capable de lui donner des
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