Sépulcre
en plus erratique est dû en partie à l’aggravation dramatique de sa… maladie, qui commence à atteindre son cerveau.
Thouron articula le mot en silence, afin que Léonie ne l’entende pas : « Syphilis ».
— Racontez ce que vous savez à l’inspecteur Thouron, dit Baillard en lui prenant la main.
Léonie porta le verre à ses lèvres et but une nouvelle gorgée. L’alcool lui brûlait la gorge, mais chassait l’amertume qu’elle avait dans la bouche.
Elle se mit à parler, sans rien cacher, racontant en détail tout ce qui s’était passé, de l’enterrement à Montmartre à l’agression du passage des Panoramas, puis du moment où elle et son Anatole bien-aimé étaient descendus du courrier sur la place du Pérou jusqu’aux événements sanglants de la soirée dans la forêt du Domaine de la Cade.
À l’étage, Isolde restait prisonnière de la fièvre qui s’était emparée d’elle à l’instant où elle avait vu Anatole tomber.
Des images, des pensées lui traversaient l’esprit. Pendant un bref instant, elle se crut allongée dans les bras d’Anatole, la lueur vacillante des bougies allumant des étincelles dans ses yeux bruns, mais cette vision s’évanouit. Le visage de son bien-aimé se décharna et ne fut plus qu’une tête de mort, avec des trous noirs à la place des yeux.
Et, toujours, des chuchotements, des voix ; celle de Constant s’insinuant, doucereuse, dans son cerveau enfiévré. Elle s’agitait sur son oreiller pour chasser l’écho qui résonnait dans sa tête, mais le tumulte ne faisait qu’empirer, sans qu’elle parvienne à distinguer la voix de son écho.
Elle rêva qu’elle voyait leur fils, pleurant le père qu’il ne connaîtrait jamais. Elle les appelait tous deux, mais aucun son ne sortait de ses lèvres. Quand elle tendit la main, la vitre vola en une myriade d’éclats tranchants et au lieu de la tiédeur de la peau, ce qu’elle toucha avait la froideur et la dureté du marbre. Ce n’étaient que des statues.
Souvenirs, rêves, prémonitions. Un esprit à la dérive.
Tandis que l’horloge, égrenait les minutes jusqu’à minuit, l’heure fatale, le vent se mit à siffler, à hurler, à secouer les cadres en bois des fenêtres de la maison.
Une nuit agitée. Une nuit à ne pas passer dehors.
X
Le lac
Octobre 2007
84.
Mercredi 31 octobre 2007
Quand Meredith se réveilla, Hal avait disparu.
Elle tendit la main vers l’endroit où il avait dormi. Le drap était froid, mais l’oreiller, creusé là où sa tête avait reposé, restait imprégné de son odeur.
Il faisait noir dans la chambre aux volets fermés. Meredith consulta le réveil. 8 heures du matin. Hal n’avait sans doute pas voulu que le personnel le voie sortir de chez elle ; il avait dû regagner sa propre chambre. Elle posa la main sur sa joue, comme si sa peau pouvait se rappeler le baiser qu’il y avait déposé avant de partir, bien qu’elle-même ne s’en souvînt pas.
Elle resta blottie un moment sous les couvertures, à penser à Hal, à ce qu’elle avait éprouvé avec lui, aux émotions qui l’avaient submergée la veille. De Hal, ses pensées dérivèrent vers Léonie, la fille aux cheveux cuivrés, son autre compagne de la nuit.
Je ne peux pas dormir.
Meredith se rappelait avoir entendu ces paroles en rêve, sans qu’elles aient été prononcées. Un sentiment de pitié, d’agitation : Léonie attendait quelque chose d’elle.
Meredith se glissa hors du lit et enfila d’épaisses chaussettes pour avoir chaud aux pieds. Hal avait oublié son pull, qui gisait à côté de la chaise sur laquelle il l’avait lancé la veille. Elle le pressa contre son visage pour respirer son odeur. Puis elle le passa – il était beaucoup trop grand pour elle – et mit un jogging.
Elle contempla le portrait. La photo sépia du soldat, son arrière-grand-père Vernier, était calée dans un coin du cadre, là où elle l’avait glissée la veille. Elle était sur la bonne piste. Les informations disparates qu’elle avait accumulées s’étaient ordonnées dans son esprit pendant son sommeil.
Tout d’abord, elle devait découvrir si Anatole Vernier s’était marié, mais c’était plus facile à dire qu’à faire. Elle devait également déterminer la nature de ses liens, et de ceux de Léonie Vernier, avec Isolde Lascombe. Avaient-ils vécu dans cette maison en 1891, à l’époque où la photo avait été prise, ou étaient-ils simplement de
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